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La reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël : un coup dans l’eau

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Le moment de l’allocution du président Donald Trump sur la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël avait été retenue pour qu’elle produise un effet maximum sur l’opinion israélienne. Donald Trump a pris la parole à 20 heures, heure de Jérusalem (13 heures, heure de Washington – un horaire original pour prononcer un discours historique), à une heure de grande écoute au moment où débutent les journaux télévisés du soir sur la télévision israélienne. Le texte de l’allocution avait été préalablement transmis à la chaîne afin qu’elle puisse préparer la traduction et les sous-titres en hébreu.

Le nom de Trump « sera gravé à jamais sur les pierres de Jérusalem et du mur des Lamentations » (Miri Regev)

Les journalistes israéliens étaient unanimes pour dire que le discours de Donald Trump resterait dans les annales. Même la gauche a admis qu’elle avait pris plaisir à entendre le président américain évoquer en des termes aussi élogieux l’atta­che­ment des juifs à leur capitale depuis 3.000 ans.

Le Premier ministre israélien a voulu donner à l’événement une dimension cérémonielle. Fils d’un historien spécialiste du Moyen Âge, Netanyahou a présenté la déclaration de Donald Trump comme l’un des événements les plus importants de l’histoire juive moderne, au même titre que la Déclaration Balfour, l’indépendance d’Israël en 1948 et l’occupation (ou la libération, selon ses propres termes) de Jérusalem en 1967.

Connue pour sa grandiloquence, Miri Regev, la ministre de la Culture a décrété que le nom de Trump « serait gravé à jamais sur les pierres de Jérusalem et du mur des Lamentations ».

Sous Trump que reste-t-il de l’influence des USA ?

Toutefois malgré l’accueil chaleureux que la communauté juive a réservé au discours de Donald Trump, aucune scène de joie n’a été constatée en Israël, ni même à Jérusalem. La plupart des Israéliens étaient heureux, semble-t-il, de constater que le président américain avait clairement pris position de leur côté, mais ils ne parvenaient pas pour autant à voir dans quelle mesure cette décision aurait un impact sur leur quotidien. On enseigne aux Israéliens depuis le berceau que Jérusalem est leur capitale. Malgré toute sa portée symbolique, l’allocution du président américain n’apportait donc rien de nouveau.

Au fil des jours, il devenait de plus en plus évident que les mots de Donald Trump, même sur le plan politique, avaient eu moins d’impact que la droite israélienne avait voulu l’imaginer. Cette dernière qui voyait dans cette déclaration une reconnaissance de l’annexion de Jérusalem-Est par Israël, avait ignoré dans un premier temps – délibérément ou non – la précision de Donald Trump spécifiant que la délimitation des frontières serait décidée à l’occasion de négociations ultérieures.

L’un des hommes forts du parti de Benyamin Netanyahou (le Likoud), et favori dans la bataille secrète pour la succession du Premier ministre, s’il devait démissionner en raison des poursuites pénales engagées à son encontre, le ministre des Transports, Israël Katz, a été suffisamment audacieux pour déclarer au site saoudien d’information Elaf que Donald Trump n’avait pas reconnu Jérusalem comme la « capitale unifiée » d’Israël (code utilisé pour signifier l’annexion de la partie palestinienne) et avait ainsi laissé la question de Jérusalem-Est en suspens. Cet aveu est bien loin de la jubilation qu’affichait Benyamin Netanyahou à la suite du discours de Donald Trump.

L’allocution de Donald Trump a été comparée aux échanges épistolaires entre le président George W. Bush et le Premier ministre israélien Ariel Sharon en 2004. Le président américain écrivait alors que le problème des réfugiés palestiniens devait être résolu en dehors des frontières israéliennes et que tout accord de paix devait prendre en compte les colonies israéliennes de la bande de Gaza.

Cependant la comparaison est illusoire. Car si les colonies et le droit au retour des Palestiniens sont restées une question hautement controversée au cours des négociations israélo-palestiniennes, les Palestiniens n’ont jamais réellement refusé de reconnaître Jérusalem-Ouest comme la capitale d’Israël après la signature de l’accord de paix.   

Plus personne ne s’engage

Pendant l’agitation diplomatique, les vols de terres palestiniennes ne connaissent pas de trève…

Aujourd’hui, la scène internationale apparaît encore moins favorable à Israël. Benyamin Netanyahou n’a pas caché son espoir de voir d’autres pays suivre l’exemple de Donald Trump. Étant donné l’influence traditionnelle des positions américaines sur les questions d’envergure internationale, on avait toutes les raisons d’y croire.

Lorsque le président tchèque Milos Zeman a annoncé que son pays envisageait de reconnaître Jérusalem-Ouest comme capitale d’Israël, on a vu dans cette adhésion les prémices d’un vaste mouvement de soutien de la communauté internationale.

En définitive, le changement n’a pas eu lieu. Netanyahou espérait que lors de sa visite à Bruxelles, prévue avant l’allocution de Donald Trump, il serait en mesure de convaincre au moins certains États membres de l’Union européenne de reconnaître Jérusalem. Ce fut un échec. Federica Mogherini, la haute représentante de l’Union européenne (UE) pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, a catégo­riquement rejeté la position des États-Unis et s’est opposée à tout com­promis sur la question. La rencontre du Premier ministre israélien avec le président français, Emmanuel Macron, n’a pas été plus concluante.

Même la République tchèque et la Hongrie, les deux pays les plus engagés en faveur d’Israël en Europe de l’Est, avec lesquels Benyamin Netanyahou a investi beaucoup d’efforts et de temps, n’ont pas souhaité préciser la date à laquelle ils déplaceraient leur ambassade à Jérusalem, si tant est qu’ils le fassent 1.

Netanyahou a ainsi pu constater les limites de l’influence des États-Unis dans le monde au cours de l’ère Trump. Si, d’après les informations parues dans les médias israéliens, les dirigeants de l’Union européenne déclaraient publiquement que Jérusalem était la capitale commune d’Israël et du futur État palestinien indépendant, cela reviendrait à une défaite diplomatique considérable pour Israël.

Du point de vue des Israéliens, la situation des Palestiniens n’est guère plus réjouissante. Il est vrai que les groupes et organisations palestiniens qui ont unanimement appelé à manifester en masse ne sont pas parvenus jusqu’ici à mobiliser les masses.

Manifestations

Il y a bien eu des manifestations 2 et des affrontements dans toutes les villes palestiniennes, mais ils n’ont pas atteint l’ampleur que l’on attendait. Le déploiement de l’armée israélienne a été relativement limité, notamment dans la bande de Gaza 3, et compte tenu du peu de blessés 4, les médias israéliens n’ont tout simplement pas fait état des manifestations.

La plupart des journalistes israéliens ont interprété la timidité des réactions palestiniennes dans un premier temps, comme un échec pour le président palestinien Mahmoud Abbas et pour le Hamas qui espérait déclencher une troisième Intifada. Mais cette vision ne peut se concevoir qu’à court terme. Les velléités de manifester ne se sont pas totalement taries : elles ont pris de l’ampleur vendredi dernier [le 15 décembre] quand la situation le long de la frontière avec la bande de Gaza s’est enflammée, entraînant la mort de plusieurs manifestants.

Plus important encore, après avoir été pratiquement oubliée par le monde arabo-musulman, la question de Jérusalem a permis à Mahmoud Abbas de remettre le règlement du contentieux palestinien sur le devant de la scène internationale et régionale. Les manifestations qui se déroulent à travers le monde musulman en disent long sur le soutien apporté aux Palestiniens quant au statut de Jérusalem.

Israël ne s’est pas étonné de la résolution finale adoptée à Istanbul lors du sommet de l’Organisation de la coopération islamique, constituée de 57 membres. Cette résolution déclare Jérusalem-Est comme capitale de l’État de Palestine. Israël ne peut toutefois pas ignorer qu’il entretient des relations diplomatiques en bonne et due forme avec au moins vingt membres de cette organisation.

L’embarras des alliés arabes

Tout aussi important, « l’axe sunnite », constitué de l’Arabie saoudite, des États du Golfe et de l’Égypte – dans lequel Netanyahou et Israël avaient placé beaucoup d’espoir – semble avoir subi un coup dur. Bien qu’elles aient réagi en des termes plutôt modérés, l’Égypte et l’Arabie saoudite ne pouvaient que condamner la position de Donald Trump. Il est difficilement concevable aujourd’hui pour le gouvernement saoudien de renforcer ses relations avec Israël, comme il avait clairement l’intention de le faire juste avant la dernière prise de position de Donald Trump.

En refusant d’accepter la visite du vice-président américain Mike Pence à Ramallah, Mahmoud Abbas et les Palestiniens ont durci l’enjeu des négociations pour celle qui est considérée comme la principale puissance exté­rieure, sinon la seule, dans le conflit du Moyen-Orient. Pour l’instant, il semble que le jeu en valait la chandelle. Si Donald Trump espérait « jouer son dernier coup » en persuadant les Saoudiens de faire pression sur les Pales­tiniens afin que ces derniers acceptent un accord qui leur était extrêmement défavorable, d’après la plupart des informations ébruitées, cette perspective ne semble plus guère réaliste aujourd’hui.

Malgré la position palestinienne, les États-Unis resteront les principaux négociateurs au Moyen-Orient dans un avenir proche. Cette situation s’explique principalement car personne – ni l’Union européenne, ni la Russie – n’est prêt à prendre leur place. Mais les signes de faiblesse dont a fait preuve la diplomatie américaine ces derniers jours n’aideront certainement pas le meilleur allié des États-Unis dans la région : Israël.

Cela ne signifie pas pour autant qu’à l’issue de la déclaration solennelle des États-Unis reconnaissant Jérusalem comme sa capitale, Israël soit le perdant, mais il n’en aura tiré aucun profit tangible.


Cet article a été publié le 20 décembre 2017 par Middle East Eye en français., sous le titre “La reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël : une victoire sans lendemain” Traduction de l’anglais (original) par Julie Ghibaudo.

Meron Rapoport est un journaliste et écrivain israélien. Il a remporté le prix de journalisme international de Naples pour son enquête sur le vol d’oliviers à leurs propriétaires palestiniens. Ancien directeur du service d’informations du journal Haaretz, il est aujourd’hui journaliste indépendant.

Notes   [ + ]

1. Ces deux pays, ainsi que la Croatie, Lettonie, la Pologne et la Roumanie se sont abstenus lors du vote de la résolution par laquelle l’Assemblée générale des Nations Unies a condamné massivement (128 voix contre 9 et 35 abstentions) l’initiative unilatérale de Trump à propos de Jérusalem. Le Conseil de sécurité avait antérieurement pris une position analogue à l’unanimité de 14 de ses membres, bloqués par le véto des États-Unis.
2. Qui ont été violemment réprimées par l’armée d’occupation, faisant près d’une dizaine de morts palestiniens, et de très nombreux blessés. Il y a eu aussi des centaines d’arrestations. – NDLR
3. Pour rappel, Israël soutient ne plus occuper la Bande de Gaza depuis 2005, après le retrait des troupes qui y étaient stationnées. La réalité est évidemment différente : l’armée israélienne pénètre pratiquement quotidiennement à l’intérieur de la Bande de Gaza et ses troupes ouvrent sans cesse le feu en direction de civils qui se trouvent à l’intérieur. – NDLR
4. Rien que vendredi dernier, selon Electronic Intifada, on a dénombré 65 Palestiniens atteints par des tirs à balles réelles, une centaine par des tirs de balles enrobées de caoutchouc (dont l’utilisation est interdite à l’intérieur d’Israël en raison de la gravité des blessures causées) et 450 intoxiqués par des gaz. L’auteur fait référence au petit nombre de blessés parmi les troupes d’occupation, ce qui explique le silence des médias israéliens, pour qui les victimes palestiniennes ne comptent pas. – NDLR

Non au congrès de psychanalyse et psychothérapie en Israël !

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Appel – Des experts en santé mentale ont demandé à l’Association internationale pour la psychanalyse relationnelle et la psychothérapie [IARPP], de reconsidérer sa décision de tenir sa réunion internationale de 2019 en Israël en raison de l’agression systématique de cet État à l’encontre des Palestiniens. 

Arrestation violente d’un manifestant palestinien – Photo: Oren Ziv, ActiveStills

27 décembre 2017

Aux membres du conseil d’administration de l’Association internationale de psychanalyse relationnelle et de psychothérapie :

Nous vous écrivons pour exprimer notre opposition à la récente décision du Conseil d’administration de l’IARPP de tenir sa réunion internationale de 2019 en Israël, décision rendue publique par son président sortant, le Dr Chana Ullman. Nous demandons respectueusement au Conseil de reconsidérer cette décision.

Notre opposition est profondément motivée par la grave crise que représente l’occupation israélienne et ses attaques croissantes contre le peuple palestinien – des attaques reflétant une politique globale de nettoyage ethnique et de saisie des terres, de restriction de la liberté de mouvement et de contrôle des ressources naturelles. L’occupation a lancé dès le début une attaque massive contre les droits de l’homme et la dignité humaine. Toutes ces atrocités ont été bien documentées par des organisations telles qu’Amnesty International, les Nations Unies et ses divers groupes de travail, ainsi que par d’innombrables universitaires, historiens et chercheurs. Néanmoins, pour de nombreuses personnes aux États-Unis et en Israël même, la culpabilité de l’État d’Israël a été masquée par une campagne massive de désinformation et de black-out.

L’annonce par le président Donald Trump, en décembre 2017, de la décision de relocaliser l’ambassade américaine à Jérusalem constitue une priorité particulièrement urgente pour notre appel. Israël n’a pas hésité à profiter de cette occasion pour redoubler d’efforts pour forcer le déplacement de milliers de Palestiniens hors de Jérusalem et pour s’emparer de leurs maisons, de leurs terres et de leurs entreprises. Ce processus a été caractérisé dans l’immense majorité des cas par l’absence de procédure régulière et le recours à l’intimidation, aux assassinats ciblés et à la torture des Palestiniens – y compris la torture d’enfants, souvent accompagnée d’agression sexuelle.

Nous nous préoccupons du problème urgent de l’occupation d’abord en tant qu’êtres humains, ensuite en tant qu’agents de santé mentale voués aux valeurs humanitaires et profondément conscients de l’importance de ces valeurs pour le bien-être des enfants, des familles et des communautés. En tant que travailleurs de la santé mentale connaissant bien l’impact de la violence sur la santé individuelle et le bien-être collectif, nous estimons que nous avons une responsabilité supplémentaire de faire entendre notre voix.

Nous considérons que l’État d’Israël est responsable des blessures à grande échelle subies par le peuple palestinien, par son assaut incessant sur les esprits et les corps de ses habitants et par sa volonté implacable d’anéantir l’histoire, la culture, l’économie, le patrimoine, l’architecture et la vie communautaire. Selon nous, la tenue de conférences internationales liées à tout domaine professionnel en Israël représente une acceptation tacite du comportement de l’État d’Israël et perpétue une « normalisation » fictive des relations entre Israël et la Palestine occupée. Organiser de telles conférences ne peut que contribuer à faire avancer les intérêts de l’État d’Israël en laissant entendre que cet État fait bon accueil à un libre échange d’idées – sans parler de remplir ses hôtels, ses restaurants et ses auditoriums d’un public reconnaissant. S’opposer au choix d’Israël comme lieu des conférences internationales est une manière de mettre au premier plan la conduite de l’État d’Israël en tant que sujet de discussion et de débat, afin que l’étendue de la dépossession et de la souffrance du peuple palestinien puisse être reconnue.

Il est particulièrement ironique et douloureux de voir Israël sélectionné comme lieu d’une conférence internationale lorsque le thème central de l’organisation est la compréhension en profondeur des relations humaines.

La majorité des membres de l’IARPP vit aux États-Unis et le deuxième plus grand groupe national vit en Israël. Certains membres de l’IARPP israélien ont suggéré que la conférence de 2019 pourrait améliorer le problème posé par le choix d’Israël comme lieu de rencontre en invitant des orateurs palestiniens et en sollicitant des présentations par des organisations israéliennes progressistes de professionnels de la santé mentale concernés par un conflit politique. Pourtant, inviter des orateurs et des participants palestiniens à la conférence peut se révéler simplement impossible à cause des check-points, des restrictions de mouvement, des listes noires de militants et d’autres expériences quotidiennes familières aux Palestiniens – abus de pouvoir qu’aucune conférence en Israël ne peut changer et qui inévitablement reproduira la dynamique de pouvoir de la situation politique dans le microcosme de la conférence.

Néanmoins, nous sommes d’accord sur le fait que prendre ces mesures en théorie peut orienter l’IARPP dans la bonne direction; nous sommes convaincus que le groupe israélien poursuit ces activités dans le cadre de son fonctionnement régulier tout au long de l’année et non seulement lorsque des étrangers sont présents. Mais indépendamment de ces considérations, ces efforts bien intentionnés pour faire mention de la perspective palestinienne dans la conférence internationale ne parlent pas de la question centrale : la nécessité de démontrer au monde qu’Israël doit rendre des comptes pour son comportement.

La cible de notre protestation est le comportement de l’État d’Israël. Notre objection ici n’est pas à un individu ou à l’IARPP en tant qu’organisation. Nous reconnaissons pleinement qu’il y a des membres de l’IARPP qui soutiennent activement la Palestine et beaucoup d’autres qui peuvent être très disposés à écouter des voix exprimant leur dissidence de la politique israélienne. Notre objection s’applique à la décision du Conseil de l’IARPP de tenir la conférence de 2019 en Israël. Nous considérons que cette décision est répréhensible parce qu’elle protège Israël contre l’exposition publique de ses atrocités – une exposition qui a bien trop tardé.

Nous espérons entendre que nos collègues du Conseil de l’IARPP vont rouvrir le débat sur cette décision.

Sincèrement vôtres,

Samah Jabr MD
Psychiatre, Jérusalem-Est

Elizabeth Berger MD, MPhil
Pédopsychiatre, New York

Rebecca Fadil, LCSW
Travailleur social, Washington, DC

Christine Schmidt, LCSW
Psychanalyste et membre de l’IARPP, New York


Publié le 27 décembre 2017 sur The Palestine Chronicle
Traduction : Chronique de Palestine

 

Samah Jabr

Samah Jabr, une des signataires, est est une Palestinienne de Jérusalem, psychiatre et psychothérapeute, dévouée au bien-être de sa communauté, au-delà des questions de la maladie mentale

Vous trouvez ici des articles de Samah Jabr ou parlant d’elle, publiés sur ce site.

 

«Vous voulez des filles ? Combien ? Quel âge ?» – Les “arguments” sionistes pour s’emparer de Jérusalem-Est

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«Tu veux une fille ? Une, deux, combien en voulez-vous… quel âge ?»
Celui qui parle est Matityahu Dan, président de l’organisation Ateret Cohanim et moteur de la colonisation juive de Jérusalem-Est. Il offre une fille, plus le Viagra si nécessaire, au propriétaire palestinien d’une propriété que son organisation cherche à acquérir.

La conversation ci-dessus a eu lieu il y a environ deux décennies. Depuis lors, Ateret Cohanim a acquis de nombreuses propriétés.

Cet enregistrement et d’autres, obtenus par Haaretz, donnent un aperçu de la manière dont des groupes juifs s’emparent de biens palestiniens à Jérusalem-Est. On y entend Matityahu Dan et d’autres employés d’Ateret Cohanim, y compris l’avocat du groupe, Eitan Geva, parler librement de la façon dont leur fin justifie tous les moyens. En plus d’offrir des services sexuels (tant que les filles ne sont pas juives), ils menacent le propriétaire palestinien, s’il refuse de vendre, de rendre publiques les négociations, ce qui pourrait mettre sa vie en péril .

Dans un enregistrement, Geva raconte à la famille d’un propriétaire: «Soit vous évacuez les lieux et vous nous les transférez, soit vous allez au tribunal et ce serait une erreur : il deviendra clair que votre père ou votre mari a fait tout cela pour les Juifs, en tant qu’agent des Juifs. Il y a deux façons de le faire, tranquillement ou bruyamment. Pour toi, tranquillement c’est mieux».

Dan décrit également des façons de dissimuler les transactions, y compris en ayant recours à des intermédiaires fictifs et à des sociétés enregistrées dans des paradis fiscaux à l’étranger. En outre, il discute d’un homme appelé “Hai”. Un ancien associé proche de Dan dit que “Hai” est un haut fonctionnaire de l’Église orthodoxe grecque qui a aidé Dan à acquérir des immeubles de l’église occupés par des locataires palestiniens.

Matityahu Dan, président de l’organisation Ateret Cohanim, porte un rouleau de la Torah dans le cadre d’une procession juive à Silwan à Jérusalem-Est l’an dernier – Ph. Olivier Fitoussi

Dan a des liens étroits avec des ministres, les membres de la Knesset et le maire de Jérusalem, Nir Barkat. Depuis les années 1980, il a été un acteur clé dans l’acquisition pour les colonies juives de propriétés palestiniennes à Jérusalem-Est, qu’elles appartiennent à des Palestiniens ou à l’État, si l’État a déterminé qu’ils ont appartenu jadis à des Juifs. Dans le quartier musulman de la vieille ville, par exemple, il y a maintenant environ mille résidents juifs ayant des liens avec Ateret Cohanim. Il y a également une vingtaine de familles juives dans le quartier de Silwan.

En 2005, un habitant palestinien de Silwan a raconté à Haaretz comment Dan a acquis le bâtiment connu sous le nom de Beit Yonatan. Dan a emmené le propriétaire Palestinien, qui avait construit le bâtiment sans autorisation et y avait vécu avec sa famille, en voyage en Amérique. Un voyage incluant le recours aux services de call-girls et des visites dans des casinos. Une nuit, Dan l’a laissé seul avec deux femmes. La même nuit, Ateret Cohanim, avec l’appui de la police, a expulsé la famille palestinienne de Beit Yonatan. Dan n’a jamais démenti cette histoire.

Cela pourrait surprendre les gens qui savent qu’Ateret Cohanim gère également une yeshiva dirigée par le rabbin Shlomo Aviner, qui est connu pour ses prise de position rigoristes sur la “modestie féminine” et le caractère sacré de la famille. Mais les bandes indiquent que de telles méthodes ne sont pas rares.

Je vais vous donner l’argent”, promet Dan à un propriétaire palestinien dans l’enregistrement cité au début de cet article. “Prenez qui vous voulez. Tu veux une fille ? Emmenez une fille avec vous”. Ils discutent ensuite du nombre de filles et de l’âge désiré (18 à 22 ans). Le Palestinien spécifie “une fille russe”. Dan lui propose également du Viagra.

Après que le vendeur quitte la pièce, Dan dit à une autre personne : «Ça s’est bien passé, hein ?». L’autre personne dit qu’il n’y aura pas de problème pour obtenir «une prostituée», un endroit pour “la réunion” et le Viagra.

À ce stade, Dan met une condition : «Ne pas amener une fille juive». L’autre homme répond, se référant apparem­ment à des prostituées, «Il n’y a pas de filles juives en Israël aujourd’hui, toutes les filles sont des Russes non juives». «Vraiment ? Vous êtes sûr ? », demande Dan

Ensuite, il propose de faire examiner le vendeur par un médecin avant de lui donner le Viagra. Cela irrite l’autre homme. «Le problème est que vous parlez de toutes sortes de choses, mais vous ne payez pas», dit-il. «Vous dites, apportons ceci, apportons cela, et tout cela coûte de l’argent». Et Dan de répondre : «S’il aime tellement le porno, il faut s’en servir».

Les services sexuels ne sont pas la seule méthode de “persuasion” d’Ateret Cohanim. Dans un enregistrement, Dan promet au vendeur qu’il travaillera en passant par un intermédiaire. «Je vais faire un montage pour que quelqu’un ayant une bonne réputation, quelqu’un de très fort, soit mis en avant, afin que personne ne fasse de problème», dit-il.

Le vendeur demande que l’argent soit transféré par l’intermédiaire d’une société enregistrée à l’étranger et qu’on lui promette un enregistrement dans les îles Vierges britanniques. Ateret Cohanim dispose d’au moins dix sociétés écrans enregistrées dans des paradis fiscaux à l’étranger.

Dan s’interroge également sur d’autres problèmes que le vendeur pourrait avoir, comme des litiges non résolus avec l’administration fiscale israélienne ou la municipalité de Jérusalem, et sur la santé d’autres parents qui pourraient avoir des droits sur la propriété. La question des proches a également été soulevée lors d’une discussion sur un accord d’une autre nature. Dans cet enregistrement, le personnel d’Ateret Cohanim discute des moyens de convaincre la famille que leur père est mort afin de parvenir à un accord avec eux sur une propriété de Jérusalem-Est.

La prostitution de rue est un phénomène très répandu en Israël, à Tel Aviv en particulier.

Une personne proche de Dan a décrit à Haaretz une autre tactique : après la signature du contrat, Ateret Cohanim menace souvent de rendre public le contrat de vente, ce qui pourrait mettre en péril la vie du vendeur, à moins que le vendeur n’abaisse de manière significative le prix convenu.

Que peut faire l’Arabe ?”, dit cette source. “Demander de l’argent ? Aller au tribunal ? Ils exploitent sa faiblesse. Quand j’ai demandé à Mati “Pourquoi trompez-vous ces gens ?” il a répondu : “Nous ne les avons pas trompés, nous n’avons tout simplement pas payé” C’est ainsi qu’il voit les choses; à son avis, ce n’est pas de la triche. Personne ne peut les poursuivre.»

Les enregistrements obtenus par Haaretz mettent également en lumière une bataille juridique en cours devant la Cour suprême israéliennt entre Ateret Cohanim et le Patriarcat grec à propos de trois bâtiments de Jérusalem-Est vendus à Ateret Cohanim en 2004 par l’ancien patriarche déchu, Irenaios. L’église veut que la vente soit annulée, affirmant que le prix était déraisonnable et que l’affaire résultait de la corruption sous Irenaios. Le tribunal de district de Jérusalem a rejeté son recours, et l’église a donc fait appel.

Un enregistrement datant de quelques années avant cette vente prouve qu’au moins pour un des bâtiments, l’hôtel Petra, proche de la porte de Jaffa, Dan savait que le prix de 500.000 dollars était bien inférieur à sa valeur réelle. Dans cet enregistrement, quelqu’un propose qu’Ateret Cohanim paie 4 millions de dollars pour une “location protégée”. Les droits de location protégés sont généralement environ la moitié du prix d’un achat ou d’un bail à long terme.

Des immeubles acquis à un prix manifestement anormalement bas. Le fruit de la corruption dans l’église orthodoxe grecque ?

Dan répond qu’un évaluateur estimait la location à 1,3 million de dollars. L’autre personne rétorque que l’achat de la propriété coûterait 10 millions de dollars. Dan considérait cela comme trop bas. A l’achat, “il vaudrait 100 millions de dollars”, dit-il. Même en supposant qu’il exagérait, Dan savait manifestement que le bâtiment valait bien plus de 500.000 $. Pourtant, pour ce prix, Ateret Cohanim a obtenu non seulement l’hôtel Petra, un immeuble de quatre niveaux, mais un autre bâtiment situé à côté qui, selon une source, vaut  “au moins 2 millions de dollars” en raison de son emplacement extrêmement favorable.

L’estimation citée par Dan dans l’enregistrement n’a apparem­ment jamais été présentée devant un tribunal. Au lieu de cela, Ateret Cohanim a soumis une évaluation selon laquelle l’hôtel vaut seulement 1,2 million de shekels (±350.000 $). Cela a convaincu le tribunal de district que le prix de 500.000 $ était raisonnable.

Le témoin appartenant à l’entourage de Dan affirme que le prix très bas pourrait avoir résulté des liens d’Ateret Cohanim avec l’église orthodoxe grecque, et particulièrement avec l’homme appelé Hai, qui est décrit dans les enregistrements comme capable d’influencer la politique de l’église sur les ventes de propriété. Dan et Geva n’ont pas souhaité faire de commentaire.

L’église orthodoxe grecque, grand propriétaire foncier
aux mœurs fort discutables

Des manifestants palestiniens ont attaqué le convoi du patriarche orthodoxe grec de Jérusalem alors qu’il arrivait à Bethléem pour la messe de Noël, en décembre dernier. Les chrétiens palestiniens manifestaient contre la décision de l’église orthodoxe grecque de vendre des terres à des groupes juifs,  alors que de lourds soupçons de corruption pèsent sur la gestion des terres et des immeubles appartenant à l’église.

Le patriarche Théophile III est entré dans la ville pour se rendre à l’église de la Nativité de Bethléem sous haute protection des forces de sécurité palestiniennes, après que des centaines de manifestants eurent tenté de l’en empêcher. Les manifestants ont jeté des pierres, des œufs et des bouteilles d’eau sur les voitures, scandant “traître” avant que les forces de sécurité palestiniennes ne les repoussent. Trois voitures faisant partie du convoi ont eu leurs vitres brisées.

Al-Maydan TV a rapporté qu’Israël menaçait d’intervenir avec force et de fournir au patriarche une protection pour son arrivée à Bethléem. En fin de compte, les forces de sécurité palestiniennes ont amené le patriarche dans la ville dans un véhicule banalisé, contrairement à la tradition qui veut qu’il se déplace à cette occasion avec faste.

Le Président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, s’est abstenu de participer au dîner tradition­nellement offert par le patriarche orthodoxe. 

L’église orthodoxe grecque est l’un des plus grands propriétaires privés en Terre Sainte et a suscité ces dernières années une controverse parmi les Israéliens et les Palestiniens en essayant de vendre des actifs de premier ordre à des investisseurs privés  juifs, tant à Jérusalem que dans les villes côtières de Jaffa et Césarée.

L.D.            


Cet article de Nir Hasson a été publié par Haaretz le 7 janvier 2018 sous le titre “’You Want a Girl? How Many?’: Tapes Reveal How Right-wing Group Tried to Make East Jerusalem Jewish”.
Traduction : Luc Delval

Le rôle d’Ateret Cohanim à Jérusalem-Est a déjà été évoqué dans plusieurs autres articles publiés sur ce site.

Israa Jaabis réclame justice #FreeIsraa #HelpIsraa

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Ce jeudi 11 janvier 2018, la prisonnière palestinienne Israa Jaabis a comparu devant la Haute Cour de l’occupation israélienne, en appel contre sa condamnation à 11 ans d’emprisonnement. Israa Jaabis a invoqué ses graves blessures et son mauvais état de santé général, alors que ses souffrances n’ont fait que s’intensifier en raison des conditions de détention à la prison de HaSharon, où elle a été incarcérée. Ses avocats ont déclaré qu’elle avait fait l’objet d’une sentence très longue et arbitraire qui n’avait guère tenu compte de la réalité des charges retenues contre leur cliente, ni de ses douleurs et souffrances intenses.

Israa Jaabis

Le cas de Jaabis a suscité un regain d’attention dans les médias sociaux et, la semaine dernière, de nombreux activistes ont mis en exergue les hashtags #FreeIsraa et #HelpIsraa afin de soutenir son appel et promouvoir la campagne en faveur de sa libération. La cour a entendu les arguments de la défense et du ministère public, mais n’a pas fixé de date à sa décision.

L’histoire d’Israa Jaabis est une tragédie humaine provoquée par l’occupation, le racisme, l’oppression et l’injustice. Jaabis, qui est mère d’un enfant de 9 ans, a été arrêtée en octobre 2015 à proximité du check-point d’al-Zaim, à l’entrée de Jérusalem. Jaabis est titulaire d’une carte d’identité de Jérusalem, mais vivait en Cisjordanie avec sa famille et son fils qui, lui, a une carte d’identité cisjordanienne. Il a été dit qu’elle avait été informée qu’elle perdrait sa carte d’identité de Jérusalem, si elle n’y emménageait pas de nouveau – cela fait partie des tentatives systématiques et habituelles d’Israël d’effacer toute présence palestinienne à Jérusalem – et elle avait donc été obligée de vivre séparée de son enfant.

Elle avait loué un appartement à Jabal al-Mukabber et était occupée à déménager ses biens essentiels dans son appartement, biens parmi lesquels figurait une bonbonne de gaz destinée à alimenter un poêle. Alors qu’elle s’approchait du check-point, la bonbonne de gaz avait pris feu après qu’un airbag s’était brusquement ouvert à l’intérieur de son véhicule. Jaabis avait été gravement brûlée sur 60 pour 100 du corps, mais les forces d’occupation sur place avaient traité la situation comme s’il s’était agi d’un « attentat terroriste » et non comme une urgence médicale.

Au lieu d’appeler une ambulance, ce sont les forces de sécurité et la police, qu’on avait amenées sur les lieux. Malgré les rapports initiaux établissant qu’il s’agissait d’un accident de la circulation, les médias israéliens avaient rapporté qu’il s’agissait d’une opération visant des soldats israéliens. Alors qu’elle était hospitalisée et qu’on l’avait amputée de huit doigts, Jaabis avait été envoyée en prison et accusée de « tentative de meurtre » contre les forces israéliennes d’occupation en poste au check-point. Le ministère public israélien avait prétendu que les messages publiés dans les médias sociaux et exprimant leur soutien à la résistance palestinienne et autres opinions politiques méritaient bien cette sentence très lourde de 11 ans. L’histoire de Jaabis combine la terreur de l’emprisonnement colonial et l’épuration ethnique de Jérusalem en même temps que la violence permanente infligée par le colonialisme israélien aux familles palestiniennes, et plus particulièrement aux femmes et aux enfants.

De sa prison et par l’intermédiaire de sa soeur Mona, Jaabis a fait passer un message disant qu’elle avait besoin de toute urgence de plus de huit opérations, qu’elle souffrait de douleurs insupportables aux mains et aux pieds, surtout depuis l’amputation de ses doigts, et qu’elle était incapable de s’occuper efficacement d’elle-même.

Voici le message d’Israa :

« Quant à ma santé, voici ce qu’il en est : J’ai des crampes très douloureuses aux mains et aux pieds et elles m’empêchent d’assumer mes tâches journalières. J’ai besoin de l’aide des autres filles pour faire les choses les plus simples. Cela me blesse et me donne l’impression d’être moins que les autres. Je me sens humiliée et honteuse. Et j’ai besoin d’urgence qu’on m’opère afin de soulager ces crampes et ces crises et de me permettre d’assumer mes simples tâches journalières. Depuis que j’ai été arrêtée, l’administration ici a toujours reporté les choses à plus tard. Ils disent chaque mois que l’opération va avoir lieu, mais rien ne vient et ma situation empire de jour en jour.

« Chaque jour, je regarde le miroir et je me sens muette et mon âme est désemparée chaque fois. J’ai besoin d’un traitement pour pouvoir faire face à cette réalité douloureuse. J’ai peur de mon visage quand je me regarde dans le miroir. Qu’en est-il des autres ? Que dit mon enfant quand il me voit ? Est-ce que je vous effraie ? Des milliers de questions me passent par la tête chaque jour et je ne puis trouver de réponse. Je me sens effrayée, humiliée et angoissée. J’essaie de m’aider moi-même, mais en vain.

« J’ai besoin d’un traitement, j’ai besoin d’être opérée de façon à pouvoir vivre avec cette situation difficile… Je dois vivre avec ces blessures presque fatales et je pourrais le faire si ces opérations pouvaient être pratiquées en même temps qu’un traitement humain. Pour l’instant, je ne puis même pas porter une attelle qui couvre les brûlures parce que c’est très douloureux de la porter, du fait qu’elle est déformée et que l’administration de la prison ne veut pas m’aider.

« Je saigne à un œil et je ressens une grande douleur chaque fois qu’il est exposé à l’air ou que je me lave les yeux à l’eau. J’ai besoin d’urgence d’un traitement aux yeux et, une fois de plus, il n’y a pas de réponse. Mon nez a été brûlé à l’intérieur et je dois respirer avec la bouche ou par un très fin trou dans le nez. J’ai le nez qui saigne et je ne reçois pas le moindre traitement, bien que mon état empire chaque jour.

« Mes dents sont très mauvaises, elles ont été brisées et j’ai demandé un traitement à l’extérieur. Après de longues tracasseries, la direction a été d’accord de permettre à un dentiste de l’extérieur de venir, mais il n’est venu qu’une seule fois et ne vient plus. Je ne puis lever les bras, les mouvements de mes bras sont limités du fait que la peau a été brûlée jusqu’aux aisselles, et la direction et les médecins n’essaient pas de m’aider. J’ai des démangeaisons douloureuses aux pieds, mon oreille droite n’existe pour ainsi dire plus et j’ai souvent de graves infections. J’ai besoin d’urgence d’une opération à l’oreille et tout le monde ignore la situation.

« Je suis très lasse de tout cet état intérieur et mon manque permanent de tout me fait très mal. Je me sens insultée, embarrassée et ma situation empire de jour en jour. Parfois, je crie et je hurle et j’explose en raison de ma situation et j’ai besoin également d’aide psychologique. Mon état psychologique m’a privé de mon désir de manger au point que je ne veux plus manger. J’ai tant de pression dans la tête et je ne comprends pas de quoi parlent les autres en face de moi, et je perds toute concentration.

« L’administration m’a dit qu’elle m’empêcherait de recevoir les visites de mon fils. On me dit que je dois subir des tests sanguins, mais ils n’ont jamais lieu. J’espère que tout le monde lira mon message. Je ne suis pas une détenue normale, qui ne souffre que de la prison. Je souffre de bien plus que de l’injustice du geôlier, ma situation est déjà très pénible pour des personnes qui vivent chez elles, à plus forte raison pour quelqu’un qui est en prison. »

 


Publié le 13/1/2018 sur Samidoun Palestinian Prisoner Solidarity Network
Traduction : Jean-Marie Flémal

La malhonnêteté des grands médias à l’égard de la Palestine

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La photo de l’adolescent de 16 ans, Fawzi al-Junaidi, les yeux bandés, contusionné, et entouré d’une douzaine de soldats israéliens, a fait le tour des médias sociaux. On a vu en lui un emblème de l’oppression israélienne. 

Le jeune Fawzi al-Junaidi – ici maltraité par toute une escouade de tueurs à gage israéliens – a été accusé d’avoir lancé des pierres sur les forces israéliennes d’occupation – Image : Capture vidéo

Mais pour les grands médias occidentaux, il était difficile d’intégrer cette photo à tous les discours sur la « colère », la « rage », la « violence » et les images régulièrement recyclées de pneus en feu et de jeunes hommes aux visages dissimulés par un foulard qui lancent des pierres.

L’arrestation de Fawzi a donc été présentée comme un cas singulier, une exception, et ce qui lui est arrivé après qu’il a été photographié n’a pas intéressé les médias dominants. On a peu parlé des milliers d’enfants actuellement emprisonnés, et encore moins du fait qu’ils sont la cinquième génération de Palestiniens à vivre sous occupation militaire.

De même, alors que de nombreux correspondants étrangers disaient que la décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël avait jeté « de l’huile sur le feu », il n’a guère été fait mention du nettoyage ethnique systématique que cette même ville subit depuis 70 ans.

Dans les reportages occidentaux, les Palestiniens ont une fois de plus été présentés comme des gens habités par une « colère » irrationnelle, et la couverture médiatique que mériterait l’oppression dont ils sont victimes leur a été refusée une fois de plus.

En règle générale, les Palestiniens ne sont mentionnés dans la presse dominante que lorsqu’ils manifestent ou qu’ils résistent physiquement aux agressions israéliennes. Leurs protestations sont qualifiées d’ « escalade de la violence » dans la région. Par contre on ne parle pas d’« escalade de la violence » quand Israël intensifie ses raids nocturnes sur les maisons palestiniennes, ou que les colons attaquent des fermiers palestiniens.

Les médias grand public mettent toujours l’accent sur la réaction palestinienne et jamais sur les actions israéliennes, ce qui laisse croire que les Palestiniens sont à l’offensive alors qu’ils ne font que se défendre.

Israël s’est construit en tenant un discours « défensif » et les médias grand public abordent tout ce qui arrive dans la région en utilisant le même cadre de référence. C’est pourquoi, ils parlent des « émeutes » palestiniennes et disent qu’elles sont «dispersées » par les forces israéliennes, en reprenant mot à mot le discours des porte-paroles du gouvernement israélien. C’est pourquoi, dans la plupart des articles, on appelle le mur d’apartheid un « mur de séparation » et que les correspondants étrangers à Jérusalem ne disent jamais « Jérusalem occupée », ce qui est pourtant le cas selon le droit international.

La façon dont les médias parlent de Gilo, la colonie israélienne de Jérusalem-Est et d’autres colonies illégales en Palestine, laisse croire que ce sont simplement des « quartiers » et que la Cisjordanie n’est pas occupée, mais « contestée » ou «disputée».

Les Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne sont appelés des « arabes israéliens » (et non des Palestiniens, ndt). La Cisjordanie est un endroit où les Palestiniens « cherchent à établir un État » comme si ce territoire ne leur appartenait pas. Gaza est dépeinte comme une entité souveraine alors que c’est une ville palestinienne assiégée.

Mais les dernières extravagances médiatiques sur la Palestine ont pris un tour différent parce que les relations entre les grands médias et Trump sont tendues et que cela les a incités à changer l’angle de leurs reportages. A cause des attaques de Trump contre les grands organes d’information et de la fixation du public sur son administration, la couverture médiatique de la dernière attaque contre les droits des Palestiniens est un peu plus critique, mais pas de la bonne manière.

Les médias grand public ont présenté l’annonce du 6 décembre de Trump comme sa dernière bévue, ce qui n’a fait que semer encore plus de confusion sur les véritables enjeux. On n’a pratiquement pas parlé de la lutte quotidienne des Palestiniens vivant sous occupation, ni de l’histoire de l’annexion des terres, ni de la sionisation de Jérusalem.

On n’a pas non plus dit que Trump avait simplement décidé de ne pas signer le report de l’application d’une loi que le Congrès américain avait prise il y a 20 ans. 1 Il n’y a pas eu non plus d’analyse sur la façon dont les États-Unis ont permis et financé le projet colonial israélien en Palestine. Il n’a pas non plus été rappelé qu’Israël avait construit son État sur la base de la déclaration d’un autre dirigeant, lord Arthur Balfour, il y a cent ans.

A l’époque où Balfour occupait le poste de secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, le projet colonial britannique avait déjà élaboré un récit mythique efficace qui présentait les Palestiniens comme des sauvages arriérés, ce qui justifiait l’occupation et validait les pratiques coloniales brutales.

Ce récit mythique a permis à Balfour de d’annoncer en 1917 la création d’une patrie juive dans la région au mépris total de la population qui y vivait. Il a également permis aux sionistes de dire que les Juifs sionistes sont « un peuple sans terre pour une terre sans peuple » et qu’ils « font fleurir le désert » – en effaçant complètement l’existence de la population autochtone.

Lorsque les Palestiniens se sont révolté en 1936 contre le Mandat britannique et le mouvement sioniste, on a vu émerger l’image de l’arabe « en colère » et « irrationnel ». Lord William Peel, qui dirigeait la Commission royale palestinienne, a été chargé d’enquêter sur « l’agitation » et le « désordre » dans la région. Le rapport de la commission faisait à peine mention de l’oppression britannique et, à l’instar des médias grand public d’aujourd’hui, ne parlait que de la réaction palestinienne à la présence des soldats anglais et à l’expansion sioniste.

Aujourd’hui, comme nous sommes censés être à l’ère « post-coloniale », le colonialisme est considéré comme dépassé. Pourtant, les préjugés coloniaux dominent toujours la manière dont on se représente les Palestiniens. Au cours des dernières décennies, Israël a assez bien réussi à contrôler les grandes lignes du récit mythique sur la Palestine et à maintenir le biais en sa faveur.

Les autorités israéliennes ont méticuleusement construit et répandu l’idée que les arabes étaient « en colère », « violents » et « irrationnels » tout en mettant en avant la puissance civilisatrice de l’État israélien. Ils ont vendu cette image des Palestiniens au monde entier pour tenter de légitimer leurs violations des droits de l’homme.

Israël a également réussi à faire passer la question palestinienne pour une question religieuse entre arabes/musulmans et juifs. Ce discours vise à effacer l’identité palestinienne et à dépeindre l’occupation comme un conflit religieux. Cela permet également aux sionistes de lancer plus facilement des accusations d’antisémitisme contre ceux qui s’opposent au colonialisme israélien et/ou le critiquent.

Et, depuis des décennies, la question palestinienne est présentée comme un conflit entre deux camps de force égale. Le contexte de la colonisation, l’apartheid, les implantations illégales, les exécutions extrajudiciaires, les démolitions de maisons, les arrestations arbitraires et les détentions administratives ne sont que des notes de bas de page dans le discours global. On évite d’utiliser le mot colonialisme parce qu’il évoque les crimes d’une époque que les puissances occidentales préfèrent oublier.

Rien ne changera en Palestine tant que cette vision coloniale ne sera pas remise en question et que les médias grand public ne seront pas obligés de changer de discours. Il faut que beaucoup plus de personnes dans le monde prennent conscience de ce qui se passe réellement en Palestine, pour que la pression oblige les gouvernements à changer de position et à cesser de soutenir le projet colonial d’Israël.

Entretenir le discours médiatique actuel ce n’est pas seulement se rendre complice de l’oppression des Palestiniens par Israël, c’est quelque part aussi l’encourager.


Publié le 30/12/2018 sur Al Jazeera
Traduction : Chronique de Palestine – Dominique Muselet

Mariam Barghouti est une écrivaine palestino-américaine basée à Ramallah. Ses commentaires politiques sont publiés dans l’International Business Times, le New York Times, TRT-World, entre autres publications. Son compte twitter. : @MariamBarghouti

Trouvez ici d’autres articles de Mariam Barghouti, publiés sur ce site

Lisez également : France TV, vulgaire propagandiste de l’occupant israélien 

Notes   [ + ]

1. Depuis 1995, une loi adoptée par le Congrès américain, le Jerusalem Embassy Act, appelle les États-Unis à déménager l’ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, « capitale de l’État d’Israël ». Une décision contraignante pour le gouvernement américain. Mais une clause contenue dans la loi en question permet au président de repousser son application pour six mois, sur la base de préoccupations de sécurité nationale.

Mahmoud Abbas, une rupture en trompe-l’œil avec Donald Trump

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La décision de Donald Trump de transférer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem et de reconnaître cette ville comme capitale d’Israël ont mis en lumière l’impasse totale des accords d’Oslo. Même le président de l’Autorité palestinienne a dû le prendre en compte, en durcissant considérablement son langage. Mais il semble refuser de remettre en cause la stratégie qu’il suit depuis plus de dix ans, comme le prouve la décision de modifier les documents adoptés par le conseil central de l’OLP.

La rupture Abbas-Trump ? Oui, sauf sur l’essentiel…

Les 14 et 15 janvier s’est déroulé à Ramallah le conseil central de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Cette instance est une structure intermédiaire entre le conseil national palestinien, sorte de Parlement représentant les Palestiniens du monde entier, et le comité exécutif, qui comme son nom semble l’indiquer devrait être le pouvoir exécutif de l’OLP. En fait, il a été largement marginalisé par le gouvernement de l’Autorité palestinienne (AP) dirigé, tout comme le comité exécutif, par Mahmoud Abbas (Abou Mazen).

Le fait que le conseil se soit déroulé à Ramallah a fortement affaibli la représentativité des réfugiés, principale force d’opposition à Mahmoud Abbas. À noter aussi le refus du Hamas et du Jihad islamique de participer, comme observateurs, au conseil central, malgré l’invitation d’Abou Mazen. Il n’est pas indifférent non plus de souligner que le Hamas avait gagné les élections municipales de 2005 et les législatives de 2006 dans les territoires administrés par l’AP, mais a préféré laisser au Fatah la constitution du gouvernement… et la gestion des pourparlers avec Israël.

L’HEURE DES COMPTES

Si personne ne remet en question le leadership du dernier compagnon de route de Yasser Arafat, les critiques de sa politique sont sévères et nombreuses, à la fois dans l’opposition et au sein du Fatah lui-même. Pendant les semaines qui ont précédé la rencontre de Ramallah, de nombreux militants n’ont pas mâché leurs mots sur ce qu’ils appellent l’échec stratégique d’Abou Mazen. En effet, celui-ci avait basé toute sa politique sur des négociations avec Israël sous l’égide de Washington. L’extrême droite au pouvoir en Israël et la victoire de Donald Trump ont enterré ce qui semblait avoir débuté à Oslo. Rappelons également que les accords d’Oslo datent de plus de deux décennies, c’est-à-dire un temps largement suffisant pour en reconnaître l’échec. De très nombreux militants de l’OLP, Fatah compris, tirent la leçon de cet échec, s’attaquant ainsi plus ou moins ouvertement au président Abbas. On pouvait donc s’attendre à un conseil central mouvementé.

Or, pour une fois, Abou Mazen a pris les devants, et dans une large mesure il a su ainsi les neutraliser. Dans un discours-fleuve, le président a fait le bilan de l’impasse du processus négocié d’Oslo, et annoncé sa fin. Ce n’est certes pas une nouvelle retentissante pour les délégués du conseil central, mais de la part de celui qui a passé des années dans les antichambres de la Maison Blanche à attendre des pressions américaines sur le gouvernement de Tel-Aviv, c’est nouveau, et l’aveu d’un échec stratégique.

En l’écoutant on avait le sentiment que le vieux président faisait son testament politique, et se justifiait vis-à-vis de son peuple, vis-à-vis de l’histoire : « Je n’ai jamais bradé les droits légitimes de notre peuple », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il avait même refusé beaucoup d’argent que les Américains et certains États arabes lui proposaient en échange d’un assouplissement des revendications palestiniennes.

« LA GIFLE DU SIÈCLE »

Alors qu’Abou Mazen est connu pour son langage lisse et diplomatique, il a surpris tout le monde par la dureté de ses propos. D’abord envers les États arabes qu’il a accusés d’interférence dans les affaires internes du peuple palestinien. Ensuite contre les ambassadeurs états-uniens, Nikki Haley à l’ONU et David Friedman à Tel-Aviv. Il décrit ce dernier comme « un colon qui s’oppose même au mot “occupation”. C’est une espèce de malédiction dans l’administration [etats-unienne], et je n’accepterai jamais de le rencontrer, nulle part, ni à Jérusalem, ni à Aman, ni à Washington. 1 » Quant à Haley, « elle menace de frapper avec son talon quiconque s’en prend à Israël. Nous réagirons comme il se doit. » Mais c’est évidemment pour Donald Trump qu’il a gardé les mots les plus durs :

«Nous avons dit à Trump que nous n’accepterons pas son plan. Le “deal du siècle” est devenu la gifle du siècle, et nous saurons lui rendre sa gifle. Je veux être tout à fait clair : nous n’accepterons plus le rôle d’intermédiaire qu’ont joué les États-Unis dans les négociations (…) Trump menace de couper les vivres à l’AP parce que nous aurions fait échouer les négociations ? Crève ! 2. Quand a-t-on même commencé des négociations ?»

Et puisque l’heure des comptes est arrivée, Abou Mazen s’en est également pris aux Britanniques, responsables de la « Déclaration Balfour » qui a mené à la création de l’État d’Israël et à l’expulsion d’une partie importante de la population arabe autochtone.

LA COOPÉRATION SÉCURITAIRE AVEC ISRAËL EN QUESTION

Que signifie cette toute nouvelle radicalité du président [de l’A.P.] ? C’est certainement son âge avancé et la volonté d’entrer dans l’histoire comme celui qui, malgré sa modération reconnue et souvent critiquée n’aura pas accepté d’être le vassal de Donald Trump. Mais c’est aussi Jérusalem.

L’annonce du président américain sur Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël et les mesures concrètes prises ces dernières semaines pour y transférer l’ambassade des États-Unis ont fait l’effet d’une déclaration de guerre. Jérusalem est la prunelle des yeux des Palestiniens, et même les plus malléables ne peuvent accepter qu’on dépossède les Palestiniens de leur capitale. L’administration Trump n’a pas voulu saisir cette évidence. Pour Mahmoud Abbas, la déclaration du président américain n’est pas seulement la violation à la fois du droit international et d’un consensus dans la communauté internationale, c’est surtout la preuve la plus accablante qu’il puisse y avoir de la fin du processus négocié sous les auspices de Washington.

Sommes-nous vraiment, comme l’affirment certains commentateurs, à un tournant historique dans les relations israélo-palestiniennes ? Majed M. 3, un délégué du Fatah au conseil central, est catégorique : « Il n’y a pas de plan B. Même si Oslo est effectivement enterré, il faudra tôt ou tard revenir à un processus négocié avec Israël. Après Trump et après Nétanyahou ».

En attendant, que va faire Abbas « Saisir la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye et renforcer les liens avec d’autres partenaires dans la communauté internationale. »

Les délégués du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) au conseil central sont plus catégoriques. L’un d’entre eux nous a expliqué : « Si Abou Mazen était cohérent, il cesserait la coopération sécuritaire avec Israël, comme l’avait déjà décidé le conseil central précédent ». Selon le journal Al-Hayat publié à Londres, le représentant du FPLP au comité exécutif de l’OLPOmar Schéhadé aurait dit à la réunion de cette instance qui avait précédé le conseil central qu’Abbas avait sciemment refusé de mettre en œuvre la décision du conseil central précédent stipulant la fin de la coopération militaire avec Israël.

RECONSTRUIRE L’UNITÉ NATIONALE

Si Oslo est mort, comme le dit même Abou Mazen, n’est-il pas temps de rendre les clefs et d’obliger Israël à gérer, seul, le quotidien des Palestiniens ? De prendre en charge les infrastructures, l’éducation, la santé ?

C’est la question que lui posent non seulement les représentants des partis de gauche, mais aussi nombre de militants du Fatah.

L’autodissolution de l’AP obligerait tôt ou tard la communauté internationale à intervenir d’une manière beaucoup plus pressante. Le résultat en serait l’internationalisation du conflit et éventuellement la convocation d’une conférence internationale qui briserait le face à face gravement inégal entre Israël et les Palestiniens.

Une telle éventualité est le cauchemar des autorités israéliennes. C’est néanmoins un cauchemar à long terme : « Trop de bureaucrates et d’hommes d’affaires palestiniens ont intérêt à poursuivre la collaboration avec Israël », affirme Majed M., pourtant militant du Fatah.

Bien pire encore serait la fin de la collaboration sécuritaire, qui est pour l’État d’Israël le principal acquis des accords d’Oslo. L’existence d’une police palestinienne qui collabore étroitement avec l’armée israélienne a permis a l’État hébreu de réduire substantiellement ses troupes en Cisjordanie, et les informations fournies quotidiennement par les services de renseignement palestiniens au Shin Beit sont d’une valeur inestimable.

Or, dans son discours-fleuve au conseil central, Abou Mazen ne remet pas en question la collaboration militaire. Autant dire qu’il ne remet pas en question l’essentiel. Porter plainte devant la CIJ est certainement une bonne chose, mais, comme le commente Nassar L., un ancien cadre du FPLP de Bethléem, « ce n’est qu’en mettant fin à la collaboration sécuritaire avec Israël qu’on pourra remettre sur pied une résistance populaire et unifiée contre l’occupation israélienne. Le fait qu’Abou Mazen n’ait pas touché à cet aspect relativise grandement la portée de son discours au conseil. »

Le mot de la fin sera pour Naim J., un vieux militant communiste de Jérusalem :

«Abou Mazen le reconnait, le processus d’Oslo est mort. Ce qui est urgent maintenant c’est de développer une stratégie alternative à celle qui a dominé le champ politique palestinien depuis vingt ans. C’est loin d’être une question simple, et nous avons besoin d’un véritable “grand débat national”. La précondition étant de reconstruire l’unité nationale, sans exclusive aucune. Pour le court terme, c’est le combat prioritaire. »

Michel Warschawski             


Cet article a été publié le 22 janvier 2018 par ORIENT XXI.

Michel Warschawski est un journaliste et militant de gauche israélien, il est cofondateur et président de l’Alternative Information Center (AIC). La Plate-forme Charleroi-Palestine a eu le plaisir de l’accueillir à plusieurs reprises.
Dernier ouvrage paru (avec Dominique Vidal) : Un autre Israël est possible, les éditions de l’Atelier, 2012.

D’autres articles de Michel Warschawski ou parlant de lui sur ce site

Notes   [ + ]

1. L’ambassadeur US à Tel Aviv a récemment affirmé, ne craignant aucun ridicule, qu’Israël “n’occupe que 2% de la Cisjordanie”. – NDLR
2. Littéralement en arabe : “Que ta maison s’écroule” – Note de l’auteur
3. Les interviewés ont requis l’anonymat. – Note de l’auteur

La Palestine à la croisée des chemins

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Ramzy Baroud « Il est grand temps pour un nouveau départ ». 

La décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël n’était pas une surprise pour la grande majorité des Palestiniens, car le soutien politique, financier et militaire d’Israël par les États-Unis sont plus anciens que l’occupation israélienne de la Palestine. La décision de Trump, cependant, a mis en évidence de façon définitive que le prétendu « processus de paix » était une mascarade complète. Il a également exposé au grand jour la corruption, la soumission et la faillite politique des dirigeants palestiniens.

Si la direction palestinienne avait un minimum de sens de ses responsabilité, elle procéderait immédiatement à une refonte totale dans ses rangs et réveillerait toutes les institutions de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), réunirait toutes les organisations sous l’égide de cette organisation et mettrait en avant une stratégie unifiée, construite à partir des aspirations et sacrifices du peuple palestinien.

Et si les Palestiniens doivent repartir à zéro, ils doivent entamer leur parcours avec un nouveau discours politique, avec un nouveau sang politique et de nouvelles perspectives basées sur l’unité, la crédibilité et la compétence. Rien de tout cela ne sera possible avec les mêmes vieilles figures, le même langage éculé et la même politique vouée à l’échec.

Depuis que Trump a signé la loi sur l’ambassade de Jérusalem le 6 décembre, de nombreux intellectuels palestiniens ont exprimé leurs idées sur la ligne de conduite à suivre pour leurs dirigeants et leur peuple.

Il a beaucoup été question d’une nouvelle stratégie palestinienne. Les responsables palestiniens ont « menacé » de déplacer la lutte vers une solution à un État – par opposition à la poursuite de la défunte « solution à deux États » – d’exclure les États-Unis du « processus de paix » etc … Mais il y a peu de signes indiquant que leur discours est autre chose que temporaire et opportuniste.

Dans cet article, j’ai demandé l’avis de 14 intellectuels palestiniens indépendants à travers toute la Palestine et la diaspora. Bien qu’ils adhèrent à différentes écoles de pensée et sont issus de différentes générations et lieux, ils partagent beaucoup d’idées. Les Palestiniens réclament des changements, ou, selon les termes du célèbre historien palestinien Salman Abu Sitta – interrogé ci-dessous – ils veulent « revenir aux sources ».

 

Revenir aux sources

Salman Abu Sitta – historien et président de la Palestine Land Society

La catastrophe d’Oslo, qui a eu lieu il y a 26 ans, aurait dû enseigner à ceux qui avaient initié ce « processus » une leçon ou deux. Ils auraient dû expliquer au peuple palestinien qu’il devait défendre ses droits inaliénables dans son pays, la Palestine. Mais aucun d’entre eux n’a compris la leçon.

Au cours des 70 dernières années, l’accomplissement majeur du peuple palestinien a été de montrer que nous ne sommes pas des réfugiés inspirant la pitié, qui ont besoin de nourriture, d’abri et de travail. Nous sommes le peuple de Palestine de Ras al-Naqura à Umm Rashrash. Nous avons le Conseil National de la Palestine (PNC), dont les membres sont élus selon les Chartes Nationales de 1964 et 1969. Nous avons aussi l’exécutif de l’OLP élu par la PNC.

Aujourd’hui, nous n’avons pas besoin d’inventer une nouvelle Palestine ou une nouvelle stratégie nationale. Nous devons retourner aux sources. Nous devons effacer les péchés d’Oslo, qui ont été plus préjudiciables à la cause palestinienne que la Déclaration Balfour.

Nous avons besoin que les 13 millions de Palestiniens, dont la moitié sont nés après Oslo, soient représentés dans une PNC nouvellement élue d’où pourra sortir une nouvelle direction, jeune, efficace et honnête. Nous devons apporter notre soutien à la Conférence populaire des Palestiniens à l’étranger, qui s’est tenue dans le même but à Istanbul en février 2017.

Revenons aux sources. Se plaindre et faire porter la faute sur les autres est inutile. C’est le moment d’agir, et non pas de parler. Commençons par cela.

 

Rallier le peuple

Lamis Andoni – écrivain et journaliste basée à Amman, Jordanie

La tâche immédiate est d’unifier le peuple palestinien, à l’intérieur de la Palestine et de la diaspora, contre le soi-disant « accord du siècle » du président américain Donald Trump. L’accord mis en avant par Trump n’est rien de plus qu’une tentative de légitimer le contrôle israélien sur tous les territoires palestiniens et de délégitimer les droits historiques, nationaux et légaux du peuple palestinien – en particulier le droit au retour.

Nous ne devrions pas nous concentrer sur la question de savoir si nous voulons une solution à deux États ou à un seul État. Au lieu de cela, nous devrions nous concentrer sur l’unification des Palestiniens autour de l’objectif de libérer la Palestine, en démantelant le projet colonial sioniste qui emploie des méthodes brutales – dont l’apartheid et le nettoyage ethnique – pour garder notre peuple sous son contrôle.

Nous ne pouvons pas ignorer l’urgence de la reconstruction de l’OLP. Les gouvernements israélien et américain ont été déterminés à la détruire, et ils y sont presque parvenus. Travaillons à son renouveau sur une base plus large et plus unificatrice, et à sa transformation en un organisme qui représente tous les Palestiniens. Nous ne devrions pas non plus accepter la criminalisation de la résistance armée.

Le mouvement de Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) est un outil crucial dans cette lutte, mais il ne peut pas être la seule forme de résistance. Nous devons amener les responsables israéliens devant la Cour Internationale de Justice et les faire juger pour crimes de guerre. Nous devons délégitimer l’occupation et toutes ses pratiques, défier les États-Unis au Conseil de sécurité de l’ONU et utiliser tous les outils juridiques pour résister aux pressions israéliennes et américaines.

Mais d’abord, nous devons mettre fin à notre forte dépendance vis-à-vis de l’aide étrangère, en particulier l’aide américaine, qui sert à apprivoiser les ONG et à faire jouer à l’Autorité palestinienne le rôle du policier pour le compte des Israéliens.

 

Vaincre le sionisme

Mazin Qumsiyeh – auteur, scientifique et directeur du Musée palestinien d’histoire naturelle

Quelqu’un m’a dit un jour que « nous sommes en train de donner le coup de grâce à une solution à deux États ». J’ai expliqué qu’il s’agissait d’un cheval « illusoire » inventé par David Ben Gourion dans les années 1920 à des fins de propagande. Je crois qu’il n’y a que trois scénarios possibles pour la lutte anti-coloniale:

1 – Le modèle algérien, très coûteux, rarement réussi et peu susceptible d’être mis en œuvre en Palestine.

2 – Le modèle australien, qui est une victoire relative pour les colonisateurs. Ce modèle survient également à un coût élevé – dans le cas de l’Australie – avec le génocide de la population indigène.

3 – Le modèle du « reste du monde » qui a connu du succès en Amérique du Sud, en Amérique centrale, au Canada, en Asie du Sud-Est et en Afrique du Sud. Dans ce modèle, un pays en commun est créé pour tous les peuples du pays à la fin du colonialisme.

Seul le troisième modèle peut être mis en œuvre en Palestine et a la capacité de mettre fin à l’oppression sioniste.

Je suis très optimiste sur le fait que le sionisme prendra fin. Nous, 12 millions de Palestiniens et des millions d’autres, veillerons à ce que cela arrive plus tôt que prévu.

Il est temps de reprendre la lutte de libération des mains de ceux qui l’ont détournée.

 

Ressusciter l’OLP

Samaa Abu Sharar – journaliste et militante basée à Beyrouth, Liban

Les Palestiniens partout devraient adopter une nouvelle approche pour donner plus de valeur à leur cause. Ils devraient:

1 – Unir tous les groupes de réflexion palestiniens sous un même chapeau pour analyser, évaluer et élaborer une nouvelle stratégie capable de faire face à la situation palestinienne actuelle.

2 – Démanteler l’Autorité palestinienne et révoquer les Accords d’Oslo.

3 – Élire une nouvelle direction alternative sous l’autorité de l’OLP, représentant les Palestiniens partout dans le monde, capable d’unir les Palestiniens et d’œuvrer pour une solution à un État avec des droits égaux pour les Palestiniens.

4 – Encourager toutes les formes de résistance en Palestine occupée, y compris la résistance armée (qui est compatible avec le droit international) jusqu’à la disparition de l’occupation.

5 – Mobiliser les Palestiniens aisés à l’étranger pour établir un système de soutien sur le plan moral et financier pour les Palestiniens dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem, et pour les réfugiés à l’étranger.

 

Il nous faut une troisième Intifada

Ibrahim Sa’ad – écrivain et universitaire basé au Royaume-Uni

 « Le jeu a changé », a déclaré Saeb Erekat, officiel de l’AP. Quand le jeu change, les joueurs doivent aussi changer. En Palestine, les joueurs trop vieux et dépassés devraient prendre leur retraite, et une nouvelle génération courageuse doit prendre le relais.

Si Abbas et le groupe autour de lui veulent entrer dans l’histoire comme des hommes courageux, ils devraient se retirer de l’arène politique, laissant derrière eux du personnel administratif pour s’occuper des affaires quotidiennes des Palestiniens.

Je me rends compte qu’une telle décision peut créer le chaos – particulièrement quand une troisième Intifada est sur le point de se matérialiser – mais cela doit être fait.

En outre, les Israéliens devraient subir les amères conséquences de leurs actions s’ils refusent de s’adapter à la solution à un État.

Une troisième Intifada doit se produire. Je crois que ce sera un pas en avant vers la construction d’un État démocratique avec des droits égaux pour tous et la garantie du droit au retour pour les réfugiés palestiniens.

 

Un État pour tous

Samah Sabawi – dramaturge primée, auteure, poète et conseillère politique d’Al-Shabaka, basée en Australie

La direction palestinienne semble prise dans une boucle infernale et elle tente désespérément de trouver des moyens de « sauver » la solution à deux États en cherchant, en remplacement des États-Unis, un nouveau médiateur pour le processus de paix.

Mais avoir un courtier malhonnête n’était que l’un des nombreux pièges d’un processus conçu dès le départ pour paralyser la résistance palestinienne et encourager la dépendance palestinienne à l’aide internationale, en échange du maintien de la sécurité et du bien-être d’Israël.

Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est que l’AP cesse immédiatement toute collaboration répressive avec Israël et que la vieille garde au sein de l’AP/OLP fasse place à la jeune génération de Palestiniens de la diaspora et de la patrie. Cette nouvelle génération peut nous conduire dans des luttes populaires unifiées pour la liberté, la justice et l’égalité.

Je crois que notre temps est venu, et nous sommes prêts à transformer la réalité d’un État de l’apartheid aujourd’hui en la vision de demain d’un État pour tous ses peuples.

 

Une stratégie internationaliste

Sam Bahour – Président d’Americans for a Vibrant Palestinian Economy, basé en Palestine Occupée

 J’ai deux manières de voir la regrettable déclaration de Trump sur Jérusalem.

En tant qu’Américain, je pense que cette déclaration n’aurait pas pu faire plus de tort à la réputation déjà détestable de l’Amérique dans la région. Cette décision a ravivé la méfiance du monde entier et suscité sa condamnation, elle a ramené la violence dans les rues de Palestine et laissé la porte grande ouverte à d’autres acteurs régionaux, comme la Turquie et l’Iran, pour combler le vide politique.

Par ailleurs, en tant que Palestinien, je considère la déclaration de Trump comme la confirmation de ce que les Palestiniens disent depuis des décennies : les États-Unis sont dans le mauvais camp, et ce, depuis 70 ans. Trump vient de donner au monde l’occasion d’obliger enfin Israël à rendre des comptes.

Les Palestiniens ont fait preuve d’une grande maturité politique dans cette affaire en ne renonçant pas, par panique, à leur stratégie d’internationalisation de leur lutte pour la liberté et l’indépendance dans l’État de Palestine.

 

Oui à la résistance populaire, non à l’élitisme politique

Yousef M. Aljamal – Candidat palestinien au doctorat à l’Université de Sakarya, Institut du Moyen-Orient, Turquie

Le peuple palestinien doit adopter une approche à trois niveaux:

1 – La stratégie palestinienne doit maintenant reposer sur la construction d’un front palestinien unifié qui reflète les aspirations des Palestiniens. Ce front ne devrait pas inclure les élites qui faisaient partie de la période précédente parce qu’elles ont profondément déçu notre peuple. Ce front devrait représenter tous les Palestiniens partout dans le monde.

2 – Les Palestiniens doivent cesser de réclamer une solution à deux États. Ils doivent maintenant se battre pour l’égalité des droits dans leur pays et sanctionner Israël sur le plan international en intensifiant la campagne du mouvement BDS qui a révélé son efficacité au cours des dix dernières années.

3 – Les Palestiniens devraient lancer un mouvement de résistance populaire à grande échelle contre l’occupation israélienne en s’appuyant sur le soutien dont la Palestine bénéficie a acquis à l’échelle mondiale afin d’obliger Israël à rendre compte de ses crimes contre le peuple palestinien.

 

Intifada internationale

Iyad Burnat – le chef du Comité Populaire contre le Mur du village de Bil’in, Cisjordanie

 Aujourd’hui, ce que les gens appellent le « plan de Trump » n’est pas du tout le plan de Trump. C’est plutôt la continuation du plan sioniste fondé sur « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ».

Ce plan consiste à se débarrasser des autochtones du pays par un nettoyage ethnique, à construire un État purement juif et à en finir avec tout ce qui ressemble à la Palestine.

À mon avis, la seule façon de sortir de cette crise est d’abolir l’Autorité Palestienne (AP) et d’établir un leadership d’unité nationale qui inclue toutes les factions de la résistance ainsi que la base. Une telle direction peut organiser une Intifada populaire qui attirerait l’attention et le soutien d’un grand nombre de personnes à travers le monde – une Intifada internationale!

L’objectif final de la lutte palestinienne devrait être un seul État démocratique où tout le monde vit en liberté, dans la justice et l’égalité – un endroit où les Palestiniens en exil peuvent aussi revenir. En d’autres termes, la réponse est une Palestine post-sioniste où musulmans, chrétiens et juifs pourront vivre dans l’harmonie, la sécurité et la paix.

 

En avant toutes avec le BDS

Randa Abdel-Fattah – universitaire à l’Université Macquarie, Australie.

La montée mondiale du racisme populiste d’extrême droite, conjuguée à la preuve indiscutable que Trump vient de donner de la partialité américaine, nous offre l’occasion de réaffirmer que notre lutte de libération n’est pas « trop compliquée », mais qu’elle est très clairement antiraciste, anticolonialiste et anti-apartheid.

Je pense donc que nous devons aller de l’avant avec le mouvement BDS, en particulier en imposant des changements spectaculaires dans les relations économiques et commerciales internationales d’Israël.

Les boycotts académiques et culturels sont un bon moyen d’alerter l’opinion publique et d’isoler d’Israël.

Au fond, il faut « suivre l’argent ». Lorsqu’on a assez de soutien de la société civile internationale, en particulier dans les pays occidentaux qui collaborent avec Israël (comme mon pays, l’Australie), on peut faire pression pour obtenir des sanctions et des désinvestissements économiques.

 

« Non-participation »

Haidar Eid – Promoteur d’un seul État en Palestine et professeur agrégé de l’Université Al-Aqsa de Gaza

Je pense qu’il faut adopter une stratégie entièrement nouvelle, une stratégie qui s’éloigne du système politique existant, y compris de l’opposition « Oslo-isée » et « ONG-isée ». Cette stratégie serait une forme de « non-participation » au système politique actuel.

La crise des dirigeants actuels, et en fait de tous les partis politiques, est aujourd’hui si profonde que la seule façon d’avancer est peut-être de « ne pas participer » au système politique palestinien actuel. Sinon, nous allons continuer à nous trouver confrontés à un ensemble très limité d’options, pires les unes que les autres, et aucune ne nous permettra d’obtenir l’autodétermination et le respect des droits des Palestiniens. L’une de ces mauvaises options est la solution raciste à deux États qui, ironiquement, a presque réussi à mettre d’accord tous les partis politiques existants.

La décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël, suivie de l’approbation par le parti du Likoud d’une résolution visant à annexer la majeure partie de la Cisjordanie, nous prouve une fois de plus que le soi-disant « processus de paix » est un leurre, et l’indépendance un mythe.

Il faut donc abandonner totalement le discours de la solution raciste à deux États et adopter une solution démocratique et inclusive fondée sur la déclaration universelle des droits de l’homme, de la démocratie et de notre droit à l’autodétermination, à savoir un État laïque et démocratique sur la terre historique de Palestine, un État pour tous ses citoyens sans distinction de religion, d’appartenance ethnique, de sexe, etc.

 

La crainte du pire à Gaza

Rawan Yaghi – écrivain basé à Gaza et ancien étudiant de l’Université d’Oxford.

À Gaza, nous ne pouvons même pas imaginer de fin à la crise actuelle. Nous n’avons pas l’impression que nos difficultés soient prises au sérieux. La probabilité de nouvelles attaques militaires israéliennes aggrave encore la tension. L’isolement économique et le siège imposé par Israël, l’Autorité palestinienne et les Etats-Unis nous font craindre le pire.

Les dirigeants palestiniens ont perdu la confiance des Palestiniens, qu’ils vivent dans les territoires occupés ou à l’extérieur. Nous avons besoin d’une stratégie alternative et globale qui inclut les Palestiniens de la diaspora, car la légitimité de l’AP et de ses décisions politiques sont à juste titre remises en question.

De plus, les efforts actuels pour isoler et boycotter Israël ne sont pas suffisants. Il faut faire davantage dans ce domaine également.

 

Résistance

Mohammad Nofal – ancien prisonnier politique et enseignant retraité

La décision de Trump concernant le statut de Jérusalem est pour le moins stupide. En fait, elle n’aurait jamais été possible sans l’approbation tacite de certains pays arabes, comme l’Égypte, l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe. Cela dit, les Palestiniens doivent faire entendre leur voix, aujourd’hui plus que jamais.

Ici, en Palestine, nous savons que « ce qui est pris par la force, ne peut être repris que par la force », et non par un « processus de paix » qui n’a jamais été sincère. Israël n’a jamais rempli aucun de ses engagements dans les accords antérieurs. En fait, il a continué à parler de « paix » tout en agrandissant les colonies illégales et en démolissant les maisons palestiniennes.

De plus, les États-Unis n’ont jamais été justes envers les Palestiniens. Leur parti pris pro-israélien est évident depuis de nombreuses années. Israël n’a aucun intérêt à laisser se créer un État palestinien, et les États-Unis n’ont aucun désir d’inciter Israël à le faire. Les seuls qui continuent à parler d’une « solution à deux États » sont les inconsistants dirigeants palestiniens.

Mais le peuple palestinien est courageux, fort et inébranlable et il mérite des dirigeants tout aussi courageux; des dirigeants qui n’ont pas peur d’abolir Oslo, d’annuler la reconnaissance d’Israël par la Palestine et, oui, de reprendre toutes les formes de résistance en Cisjordanie comme nous l’avons fait à Gaza. Nous devons mettre fin à toute coordination en matière de sécurité avec Israël, mettre fin aux détentions de Palestiniens et nous engager dans le projet de libération nationale.

 

La lutte continue…

Ahmad Khaleel Al-Haaj – Militant et écrivain basé à Gaza

 Tous les accords proposés par tous les médiateurs, en l’occurrence les États-Unis, ne sont que des manœuvres pour nous détourner de notre devoir d’agir conformément à cette loi universelle : lutter pour une victoire décisive.

Les Palestiniens qui ont accepté de signer des accords comme celui d’Oslo, ont subi – comme on l’a vu – des défaites successives humiliantes et notre peuple en a payé le prix en vies humaines et en dépossessions, et tout cela pour rien. Par contre ceux qui ont soutenu Oslo ont obtenu des salaires élevés pour eux-mêmes et leur famille.

Mais l’ennemi n’a pas réussi et ne réussira pas à obtenir une victoire finale décisive. La lutte continue et se poursuivra jusqu’ à ce que nous soyons victorieux et que nous revenions dans notre patrie. Les vainqueurs barbares ne parviennent jamais à maintenir indéfiniment leur emprise, et les vaincus n’erreront pas à tout jamais.


Publié le 18 janvier 2018 sur Al-Jazeera sous le titre « What is next for Palestine » ?
Traduction :  Chronique de Palestine – Lotfallah & Dominique Muselet

 

ramzy baroudRamzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com.
Son dernier livre, Résistant en Palestine – Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune.
Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr.
Son site personnel : http://www.ramzybaroud.net

D’autres articles de Ramzy Baroud ou parlant de lui sur ce site

Dessin à la une : Mohammed Salem/Reuters
 

Les appétits financiers de la municipalité de Jérusalem et de l’État provoquent la fermeture sine die de l’église du Saint-Sépulcre [+MàJ]

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L’église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, est fermée jusqu’à nouvel ordre, en protestation contre les mesures prises par les autorités israéliennes à l’encontre des églises .  C’est la première fois depuis 1948 qu’une telle mesure est prise par l’église orthodoxe grecque, l’église apostolique arménienne et l’église catholique romaine, qui se partagent la gestion du lieu.

Mise à jour :

Les mesures de la ville de Jérusalem et du gouvernement israélien à l’origine de la crise ayant été suspendues l’église a ouvert ses portes comme de coutume après trois jours. Le problème reste cependant entier, les mesures étant suspendues et non annulées


Les dirigeants des églises chrétiennes de Jérusalem ont annoncé cette décision dimanche, alors qu’une commission ministérielle a été mise sur pied pour débattre d’une loi qui autoriserait l’État d’Israël à exproprier des terres situées à Jérusalem vendues par l’Église orthodoxe grecque et l’Église catholique depuis 2010. 

Les églises ont également proteste avec force contre la nouvelle politique de la municipalité de Jérusalem qui entend réclamer des arriérés de taxes sur les propriétés des différentes églises et des institutions des Nations Unies (887 immeubles au total, abritant des bureaux, des écoles etc…), à hauteur d’un total de 186 millions de dollars. Elles accusent les autorités israéliennes de violer les accords internationaux, qui exemptent les églises et les institutions de l’ONU de toute taxe municipale. La municipalité considère que cette exemption ne doit s’appliquer qu’aux bâtiments directement affectés à l’exercice d’un culte ou l’enseignement d’une religion.

Une banderole sur la façade de l’église du Saint Sépulcre à Jérusalem : “Assez c’est assez – Stop aux persécutions contre les églises”


La municipalité de Jérusalem a déjà confisqué des comptes bancaires de plusieurs églises, disant qu’elle avait saisi 7,2 millions de shekels de l’église anglicane, 2 millions de shekels de l’église arménienne, 11 millions de shekels de l’église catholique et 570 000 shekels de l’église orthodoxe grecque, pouvait-on lire dans Haaretz il y a quelques jours.

L’exemption de taxes municipales au bénéfice des églises est d’application depuis l’époque de l’empire ottoman, elle a été maintenue pendant la période du mandat (colonial) britannique, ainsi que pendant la période jordanienne, et jusqu’ici elle n’avait pas été mise en question par l’occupant israélien.

Mais le maire actuel – qui est en compétition pour prendre le leadership au sein du parti Likoud et est en conflit ouvert avec le Ministre des Finances à propos du financement de la ville de Jérusalem par l’État – estime que les contribuables de Jérusalem n’ont pas à financer les églises.


La fermeture du Saint-Sépulcre ? Pour l’argent, pas pour la protection des chrétiens palestiniens

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Au cours des dernières années, de nombreuses occasions – plus honorables – se sont présentées pour fermer les principaux sites de pèlerinage chrétiens de la Terre sainte en signe de protestation.  L’église n’avait pas fermé au cours de la seconde Intifada, quand les Palestiniens étaient tués massivement, ni pendant les attaques répétées d’Israël contre Gaza.

C’était une protestation attendue depuis longtemps – et elle a produit des résultats rapides.

Pour la première fois de mémoire d’homme, l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem a fermé brutalement ses portes ce dimanche [25 février] aux fidèles et aux touristes. Pour justifier la fermeture du site où Jésus aurait été crucifié et enseveli avant de ressusciter, les dirigeants ecclésiastiques ont accusé Israël d’avoir lancé une « attaque systématique et sans précédent contre les chrétiens en Terre sainte ».  Mercredi, l’église a rouvert ses portes après un recul apparent d’Israël, bombardé de mauvaise publicité.

La fermeture de l’église laissait également planer la menace de dégâts économiques. Plus d’un quart des quelque 4 millions de visiteurs qui se rendent chaque année en Israël sont des pèlerins chrétiens. Comme beaucoup d’autres touristes, ils viennent principalement pour suivre les traces de Jésus – et le Saint-Sépulcre figure en tête de leur liste de visites.

Les Églises ont raison d’affirmer que la survie d’une présence chrétienne palestinienne significative en Terre sainte est en jeu. Les chrétiens ne représentent plus que 10% de l’importante minorité palestinienne en Israël, soit environ 2% de la population totale d’Israël.

Dans les territoires palestiniens, qui subissent une occupation israélienne belliqueuse, le nombre de chrétiens a également chuté.

Pourtant, quelle que soit la gravité du problème, la déclaration commune des dirigeants catholiques romains, grecs orthodoxes et apostoliques arméniens ne s’est intéressée que de manière approximative au sort de cette communauté locale de croyants. La protestation visait en réalité à protéger les profits des Églises issus de transactions immobilières et d’investissement.

Le pouvoir des chrétiens évangéliques

Les chrétiens en Terre sainte sont majoritairement palestiniens, tandis que les Églises qui parlent en leur nom sont majoritairement étrangères. Le patriarcat grec orthodoxe et le Vatican sont de vastes entreprises qui sont tout aussi préoccupées par leur viabilité commerciale et leur influence sur la scène mondiale que par les besoins spirituels d’un groupe spécifique.

Et ce fait n’est nulle part plus manifeste et révélateur que dans le berceau de la foi chrétienne, aujourd’hui divisé entre Israël et les fragments d’un État palestinien embryonnaire.

Au Moyen-Orient, les Églises doivent depuis longtemps se frayer un chemin à travers un jeu politique complexe avec Israël, le principal décideur de la région en raison de sa puissance, et son patron à Washington.

Cette tâche est devenue de plus en plus colossale au cours des dernières années, alors que l’Église chrétienne évangélique a étendu son influence jusqu’à dominer l’échiquier politique aux États-Unis. La plupart des chrétiens évangéliques américains s’intéressent bien plus à des prophéties liées à la « fin des temps » qui exigent un soutien irréfléchi en faveur d’Israël et des colonies juives illégales qu’à l’idée de préserver une tradition chrétienne locale vieille de deux millénaires.

La montée en puissance des évangéliques a été illustrée par la victoire électorale de Donald Trump fin 2016 et par sa décision récente de transférer l’ambassade américaine à Jérusalem, qui a mis fin aux espoirs déjà fragiles d’une “solution à deux États”.

L’exode chrétien

Ces tendances accélèrent simplement un processus de longue date dans lequel les chrétiens palestiniens, que ce soit en Israël ou sous occupation, fuient la Terre sainte.

Confinés dans des ghettos surpeuplés par Israël, privés d’opportunités économiques et sociales et victimes, comme les autres Palestiniens, de forces de sécurité israéliennes à la gâchette facile, nombreux sont ceux qui se sont servis de réseaux étrangers de chrétiens pour reconstruire leur vie en Europe ou en Amérique du Nord.

Cependant, ce n’est pas cet exode prolongé qui a incité les Églises à fermer les portes du Saint-Sépulcre, de la basilique de l’Annonciation à Nazareth ou de l’église de la Nativité à Bethléem.

Aucun gardien catholique ni aucun patriarche grec n’a osé prendre une position aussi ferme et décisive en solidarité avec les « pierres vivantes » de la Terre sainte : les chrétiens de Palestine.

Quelles que soient les apparences sur le plan des relations publiques, le Saint-Sépulcre a été fermé principalement parce que les intérêts commerciaux des Églises étaient en péril.

C’est pourquoi Aleef Sabbagh, membre palestinien du Conseil central orthodoxe qui essaye depuis plusieurs mois d’évincer le chef suprême grec orthodoxe, le patriarche Théophile IIIa qualifié la protestation de « simulacre ».

Il a noté que les chrétiens locaux demandaient depuis longtemps la fermeture du Saint-Sépulcre pour protester contre les politiques israéliennes, mais que ces demandes avaient toujours été rejetées par les dirigeants ecclésiastiques. L’église n’a pas fermé au cours de la seconde Intifada, quand les Palestiniens étaient tués massivement, ni pendant les attaques répétées d’Israël contre Gaza.

Si les dirigeants des Églises ont dénoncé avec colère dans leur déclaration la rupture avec le « statu quo » opérée par Israël, il était question d’un statu quo financier – qu’ils ont décrit comme leurs « droits et privilèges » – qui a principalement profité aux ecclésiastiques d’Italie et de Grèce.

Au cœur de la confrontation avec Israël se trouvaient deux questions qui ont révolté les dirigeants ecclésiastiques.

Une de ces questions concernait la décision prise récemment par le maire de Jérusalem, Nir Barkat, de mettre fin à l’exemption de taxes municipales dont les Églises jouissaient depuis longtemps pour leurs propriétés. Compte tenu des possessions foncières considérables des Églises, la municipalité de Jérusalem espérait collecter plus de 180 millions de dollars de taxes rétroactives. 

L’autre préoccupation concernait la législation draconienne rédigée par le gouvernement israélien dans le but de saisir des propriétés que les Églises – principalement le patriarche grec orthodoxe – louaient à prix bradés à des promoteurs israéliens privés et à des groupes de colons.

Malgré son recul apparent survenu cette semaine, Israël n’a en réalité abandonné aucune de ces politiques. D’après les médias israéliens, elles ont été « reportées ». L’histoire tend à faire croire que les autorités israéliennes vont simplement attendre une meilleure opportunité ou trouver une voie différente pour parvenir au même objectif.

L’approche de longue date employée par Israël consiste à intimider les Églises par tous les moyens possibles. À différents moments, Israël a gelé les visas de travail du clergé et refusé ou retardé l’approbation des nominations de hauts responsables, y compris celle du patriarche grec orthodoxe en personne.

Israël fait régulièrement obstruction aux permis d’urbanisme relatifs à des propriétés des Églises. Dans le même temps, des groupes d’extrême droite proches de la coalition gouvernementale menacent le clergé dans les rues et vandalisent les propriétés des Églises à la faveur de la nuit.

Les derniers efforts en date déployés pour « presser » financièrement les Églises visaient à intensifier l’intimidation en nourrissant leurs dettes, pour affaiblir davantage leur position. Cela aurait été une mauvaise nouvelle pour les Palestiniens, puisque cela aurait assujetti encore plus les Églises dans leurs relations avec Israël.

Si des Juifs aussi sont victimes, de  la
spéculation immobilière, Israël n’est plus d’accord…

Cela aurait également risqué d’alimenter la vente de davantage de terres appartenant aux Églises – en Israël – pour rembourser les dettes existantes et éviter d’en contracter de nouvelles. Les Palestiniens vivant sur ces terres, en particulier à Jérusalem, auraient alors été à la merci d’Israël.

Atallah Hanna, le seul archevêque palestinien du patriarcat grec orthodoxe, a averti à juste titre que l’objectif de longue date d’Israël était de « vider » Jérusalem de sa population palestinienne. 

Néanmoins, les dirigeants chrétiens étrangers sont au moins partiellement responsables d’avoir ouvert une boîte de Pandore au sujet des questions foncières à Jérusalem et ailleurs.

Ils ont traité leurs possessions considérables, en grande partie des terres et des propriétés qui leur ont été confiées par des chrétiens palestiniens et des pèlerins de l’étranger, comme des jetons dans une partie de poker immobilier. Israël est en quête d’une occasion de renchérir.

L’exonération fiscale découlait du statut caritatif de la mission spirituelle des Églises et de leur travail de proximité auprès des communautés palestiniennes, notamment la fourniture d’écoles et d’hôpitaux.

Toutefois, les Églises ont de plus en plus revu leurs œuvres caritatives à la baisse et se sont diversifiées dans d’autres entreprises plus clairement commerciales, telles que des boutiques, des bureaux et des restaurants. Les auberges de pèlerins ont été réaménagées en hôtels luxueux et rentables.

Une partie de l’argent a ensuite été détournée vers les patries mères au lieu d’être réinvestie dans le renforcement des communautés palestiniennes locales. Pendant ce temps, l’Église grecque orthodoxe a tiré profit de ses propriétés à Jérusalem, en Israël et en Cisjordanie, en vendant pour ces terres des baux à long terme et, dans certains cas, les titres de propriété, à des promoteurs privés israéliens et à des organisations de colons.

Selon le Conseil central orthodoxe, les transactions immobilières de la dernière décennie ont peut-être rapporté plus de 100 millions de dollars au patriarcat grec. La plupart des chrétiens locaux se demandent où tout cet argent est allé. Leurs communautés n’en ont certainement pas vu la couleur.

Israël soutenait pleinement les transactions lorsque les Églises vendaient des terres sur lesquelles vivaient des familles palestiniennes. La sale besogne des expulsions était remplie par les colons plutôt que par les Églises.

Mais alors, les Églises sont devenues encore plus gourmandes. Ces dernières ont commencé à vendre de futurs baux sur des terres à Jérusalem-Ouest qui abritaient des juifs israéliens depuis les années 1950. Les investisseurs se préparent désormais à chasser également ces juifs de chez eux, afin que les principaux emplacements immobiliers puissent être réaménagés de manière à être plus rentables. 

Le gouvernement israélien s’est montré enthousiaste au sujet des expulsions de chrétiens palestiniens, mais a tracé une ligne rouge épaisse pour empêcher l’expulsion de juifs. Cela a donné à la nouvelle législation l’élan pour laisser Israël saisir les terres et les propriétés louées par les Églises.

Le projet de loi a peut-être été mis de côté temporairement, mais celui-ci ou un projet de loi similaire refera surface parce que le problème n’a pas disparu.

Les musulmans trahis

Dans leur déclaration de protestation, les Églises ont non seulement ignoré leurs années de collusion irréfléchie avec Israël contre les chrétiens palestiniens, mais elles ont aussi trahi toute solidarité qui pouvait subsister avec les musulmans palestiniens.

Les Églises ont laissé entendre que les chrétiens avaient été visés par des attaques provenant de ce qu’elles ont décrit comme des politiques « sans précédent » d’Israël ciblant leurs intérêts financiers.  « Cela nous rappelle toutes les lois de même nature qui ont été adoptées contre les juifs durant les périodes sombres en Europe », ont-ils même ajouté.

En réalité, les Églises ont été traitées avec ménagement par Israël comparé au traitement réservé aux musulmans palestiniens et à leurs institutions religieuses depuis 1948.

Si les terres chrétiennes en dotation sont peut-être menacées aujourd’hui, presque toutes les propriétés relevant d’une fiducie similaire mais dédiée aux musulmans – le Waqf – ont été saisies par Israël à la naissance de l’État juif. Les communautés musulmanes ont perdu ces terres et propriétés – dans les faits, leur filet de protection sociale – il y a 70 ans.

Le fait est que les chrétiens palestiniens ont été abandonnés depuis longtemps par leurs Églises, qui ont préféré éviter un affrontement sérieux avec Israël qui aurait nui à leurs intérêts à plus grande échelle.

Cela a laissé à Israël le champ relativement libre pour agir contre les communautés palestiniennes. Plus récemment, Israël a mené une guerre d’usure financière acharnée contre les écoles et hôpitaux fondés par l’Église chrétienne – deux ressources clés pour les communautés palestiniennes – en Israël et à Jérusalem-Est occupée. Cette offensive a tout juste été remarquée par les dirigeants ecclésiastiques.

Conscient de son avantage, Israël a cherché à accroître la dépendance des chrétiens palestiniens d’Israël vis-à-vis de l’État plutôt que des Églises, dans le but de les pousser progressivement à devenir des sionistes chrétiens à l’américaine.

L’État a ajouté une classification à la nationalité israélienne – « araméenne »1 – pour remplacer la nationalité « arabe » plus inclusive qui existait pour les Palestiniens tant chrétiens que musulmans. La culture d’un nationalisme chrétien extrémiste est destinée à semer des tensions avec les musulmans palestiniens.

Dans le même temps, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a lancé une campagne pour faire pression sur les chrétiens palestiniens afin qu’ils servent dans l’armée israélienne, avec l’intention d’affaiblir un nationalisme palestinien unificateur et d’opposer physiquement les chrétiens palestiniens aux musulmans palestiniens.

Refermer les portes

Ces mesures ont jusqu’à présent été vigoureusement combattues par la plupart des chrétiens palestiniens, mais ce n’est pas grâce au Vatican ou au patriarcat grec.

Ces dirigeants étrangers sont coupables en raison de leur négligence désinvolte vis-à-vis de la cause palestinienne, de leurs politiques de la terre brûlée à l’encontre des chrétiens locaux, mais aussi de leur plaidoyer intéressé.

Au cours de la dernière décennie, de nombreuses occasions – plus honorables – se sont présentées pour fermer les principaux sites de pèlerinage chrétiens de la Terre sainte en signe de protestation.

La cause n’aurait pas dû être de protéger des intérêts commerciaux, mais de concentrer l’attention des chrétiens du monde entier sur la destruction progressive des communautés palestiniennes indigènes, chrétiennes comme musulmanes.

Les Églises ont pu constater l’efficacité de la fermeture du Saint-Sépulcre. Il est temps de refermer les portes de l’Église – mais cette fois, pour les bonnes raisons.


Cet article de Jonathan Cook a été publié par Middle East Eye en Français le 2 mars 2018. Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Jonathan Cook est un journaliste anglais basé à Nazareth depuis 2001 dont vous trouverez pas mal d’articles en Français sur ce site.
Il a publié trois ouvrages sur le conflit israélo-palestinien et remporté le prix spécial de journalisme Martha Gellhorn.
Vous pouvez consulter son site web et son blog [en] à l’adresse suivante : www.jonathan-cook.net

Notes   [ + ]

1. La notion de nationalité telle que l’envisage Israël est très différente de celle qu’on connaît en Europe. Israël fait une distinction, sur les documents d’identité de ses citoyens, entre citoyenneté (qui obéit au jus soli) et nationalité (qui dépend du jus sanguinis). Tous les ressortissants d’Israël sont de citoyenneté israélienne, mais de nationalité : Juive – druze – circassienne – bédouine – araméenne ou arabe… Il en découle des situations des plus bizarres. Ainsi, lorsque le (trop) célèbre Arno Klarsfeld, fils de Beate et Serge Klarsfeld, décide en 2002 (à 37 ans !)  de s’engager volontairement dans l’armée israélienne et d’acquérir un passeport israélien, il est dans un premier temps enregistré comme de “nationalité protestante” parce que sa mère, qui est Allemande, est une Luthérienne (non pratiquante). Mais ils refuse d’être considéré comme autre chose que Juif, et comme il s’agit avant tout d’une opération propagande sioniste, il obtient bien entendu satisfaction. Il y a aussi une utilisation très politique de la nomenclature changeante des “nationalités” comme à Nazareth. On trouvera des explications détaillées sur cette question complexe sur le site de la Columbia Law School  [en anglais] – NDLR

Comment voler une source ? Il suffit de déplacer le checkpoint…

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Les habitants du village palestinien de al-Walajeh, au sud de Jérusalem, qui depuis longtemps subissent de multiples abus sous l’occupation israélienne, n’auront plus accès à leur source, au bassin où les enfants se baignaient, au parc qui l’entoure. Il est désormais de facto réservé aux habitants de Jérusalem appartenant à l’ethnie dominante.

Les sourires qu’affichent les personnages sur l’image ci-dessous représentent le visage le plus cynique de l’occupation israélienne. Il y a là un certain nombre de fonctionnaires masculins, et très peu de femmes, debout et souriant près de la source d’Ein Hiniyeh, célébrant sa réouverture au public, ainsi que celle d’un site archéologique voisin.

Des responsables du gouvernement israélien lors “la réouverture de la source Ein Hiniyeh et du site archéologique au public”. Mais au public juif seulement… (Autorité de la nature et des parcs d’Israël)

Ce site permettra aux touristes et aux résidents de Jérusalem et d’ailleurs de profiter gratuitement d’une belle région avec une vue unique sur les collines de Jérusalem”, a proclamé fièrement le ministre israélien de la Protection de l’environnement et des Affaires de Jérusalem Ze’ev Elkin. Cependant, Elkin a “oublié” de mentionner les habitants du village palestinien voisin de al-Walajeh, qui jusqu’alors avait accès à ce bassin. Jusqu’à maintenant.

La célébration de la réouverture du site après travaux, qui a réuni le ministre Elkin, le maire de Jérusalem Nir Barkat, son adjoint Moshe Lion et d’autres, a également marqué l’exclusion des habitants palestiniens de al-Walajeh de la zone. En déplaçant le checkpoint sur la route qui mène à Jérusalem de l’autre côté du bassin et du site archéologique, le gouvernement israélien empêche désormais les Palestiniens d’y accéder comme ils le faisaient depuis de nombreuses années.

Des Israéliens nagent dans la source appartenant au village palestinien de al-Walajeh, d’où les Palestiniens sont chassés (Anne Paq/Activestills.org)

Ce n’est pas la première fois que les habitants de al-Walajeh sont expulsés de leur terre et privés des ressources naturelles qui constituent leur gagne-pain. Pas la première fois non plus qu’ils sont confrontés à la brutalité de l’occupant. Ils sont d’abord arrivés dans cette zone à la suite de la guerre de 1948 qui a permis à Israël de proclamer son indépendance et de procéder à un nettoyage ethnique massif, après avoir fui une zone proche qui était tombée sous le contrôle israélien.

Après la guerre des Six Jours, en 1967, la plupart des terres autour du village ont été annexées par Israël. Pourtant, leurs maisons sont restées au-delà des limites de la municipalité de Jérusalem. Ils n’ont pas les cartes d’identité bleues que les autres résidents palestiniens de la ville ont reçues. Comme toujours, Israël veut s’approprier un maximum de territoire mais sans les habitants. C’est la base de toute sa politique.

La proximité du village à Jérusalem s’est avérée être sa perte. Le gouvernement israélien a décidé de séparer les habitants du village de leurs terres, d’abord en déclarant que les terres agricoles du village étaient un «parc national», ce que fait souvent Israël pour isoler les villages palestiniens. Ensuite, les habitants du village ont été harcelés par les autorités israéliennes qui gèrent les parcs. Israël a construit le “mur de séparation1 en choisissant bien le tracé  de manière à couper le village de ses terres agricoles 2.

Puis, discrètement, et en contradiction avec le conseiller juridique du comité d’urbanisme, la municipalité a déplacé le point de contrôle pour entrer en Israël au-delà du site d’Ein Hiniyeh.

Les travaux de déplacement du checkpoint ont été décidés et exécutés de manière parfaitement illégale, même en regard des règles israéliennes…

Jusque-là, les Palestiniens et les Israéliens utilisaient le site comme lieu de pique-nique, y compris de nombreux habitants de al-Walajeh. Maintenant, les Palestiniens ne peuvent plus accéder à la source située pourtant juste à côté de leurs maisons. Ils doivent regarder de loin les Israéliens profiter du petit parc qui leur a été volé.

Le gouvernement israélien a donc de facto annexé la source à Israël et en interdit l’accès aux habitants du village voisin de al-Walajeh.

Selon Haaretz, l’État israélien a été contraint d’admettre devant un juge que le déplacement du checkpoint n’avait pas d’autre objet qu’interdire l’accès des Palestiniens de al-Walajeh au “parc récréatif” et que cette décision a été prise dans la plus parfaite illégalité, par un fonctionnaire qui n’en avait aucunement le pouvoir et sans respecter la réglementation israélienne. Mais l’État n’en a pas moins demandé au tribunal de maintenir les effets de la décision, qui fera prochainement l’objet une régularisation. La décision interviendra plus tard, mais nul doute que la raison du plus fort prévaudra et que l’apartheid israélien aura franchi un pas supplémentaire.

Les fonctionnaires qui assistaient à la cérémonie de réouverture d’Ein Hiniyeh ne se soucient pas du fait qu’ils souriaient pour des photos à côté d’un site qui, jusqu’à très récemment, était ouvert aux familles palestiniennes. Ils ne se soucient pas que les enfants de al-Walajeh, qui utilisaient autrefois la source pour nager et jouer, soient désormais forcés de regarder à bonne distance les Israéliens qui ont pris possession des lieux et s’en réservent l’exclusivité. Aucun des responsables ne s’est demandé quel genre d’impact cela a sur un enfant palestinien qui a vu voler la source à côté de sa maison ? Qui cela le fera-t-il haïr ? Pour cet enfant palestinien, les sourires des fonctionnaires étaient des sourires représentant le mal et l’indifférence – les visages de l’occupation, note Laura Wharton, membre du Conseil de Jérusalem où elle représente le parti de gauche israélien Meretz.

Pendant ce temps, aux États-Unis, l’ambassadeur U.S. en Israël, David Friedman, prenait la parole devant la conférence annuelle du puissant lobby juif AIPAC 3 pour affirmer que “dire qu’Israël ne veut pas la paix est un blasphème”. On ne peut pas, a-t-il dit, “faire une distinction entre pro-Israël et pro-paix”, car en Israël “des gens qui ne soutiennent pas la paix, ça n’existe pas” .


Source principale : +972.com – Israel expropriated a Palestinian spring. Why? Because it can
Traduction et adaptation : Luc Delval

Notes   [ + ]

1. Appellation officielle du “mur de l’apartheid” (en fait sur une grande partie de son tracé un ensemble de clôtures bardées de moyens de détection électroniques) dans le langage orwellien de l’occupant. Israël a construit son mur/clôture sur 85% de sa longueur en empiétant largement sur le territoire de la Cisjordanie, de manière à annexer de fait différentes ressources (bonnes terres agricoles, nappes aquifères, etc…). Pour rappel, la Cour de Justice de La Haye a condamné le tracé de ce mur/clôture dans un avis rendu en 2004, pratiquement ignoré par la vertueuse “communauté internationale”. – NDLR
2. Cette situation, qui a contraint un certain nombre d’habitants à se retrouver des occupants illégaux dans leur propre maison a déjà été évoquée ici en 2015, dans un autre article. – NDLR
3. American Israel Public Affairs Committee. L’AIPAC soutient fortement la droite israélienne, et est réputé proche du Likoud (le parti de Netanyahou). L’AIPAC s’appuie sur un réseau de plus de soixante-dix organisations juives qui lui sont affiliées, dont les représentants siègent à son comité directeur. Chaque année, l’AIPAC organise une conférence à Washington avec la présence de responsables politiques importants des deux pays tels que Hillary Clinton, Bill Clinton, Barack Obama, Joe Biden, Donald Trump, George W. Bush, Benjamin Netanyahu, Paul Ryan, Ariel Sharon… Le Washington Post rappelle cette semaine que l’AIPAC (initialement appelé AZCPA pour “American Zionist Committee for Public Affairs”) a été créé en mars 1954 afin de tenter de limiter l’impact négatif pour l’image d’Israël de massacres et autres crimes de guerre et crime contre l’humanité, et de la violation d’un cessez-le-feu avec la Syrie conclu sous l’égide de l’ONU. – NDLR

Conférence annuelle de l’AIPAC : quand le sionisme s’auto-caricature

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Les ministres israéliens se sont pressés en masse à Washington dans le sillage de Benjamin Netanyahou à l’occasion de la conférence annuelle du lobby pro-israélien AIPAC, et ils ont rivalisé d’imagination avec quelques sbires de l’administration Trump pour tenir les propos les plus ahurissants à propos de la Palestine.

Ainsi l’ambassadeur U.S. en Israël, David Friedman – qui n’est autre qu’un financier des colons d’extrême-droite – a-t-il pris la parole devant la conférence de l’AIPAC pour affirmer que “dire qu’Israël ne veut pas la paix est un blasphème”. On ne peut pas, a-t-il dit, “faire une distinction entre pro-Israël et pro-paix”, car en Israël “des gens qui ne soutiennent pas la paix, ça n’existe pas”.

A l’extérieur de la conférence annuelle de l’AIPAC, Miko Peled – fils de général israélien et militant pour un État binational – brandit une calicot où on lit : «La solution : le démantèlement pacifique de l’“État israélien”»

La preuve en a été immédiatement apportée lors d’un événement organisé en marge de l’assemblée de l’AIPAC par les partisans des colonies et le Ministère israélien des Affaires stratégiques, avec la participation d’une série de ministres israéliens d’extrême-droite, dont Naftali Bennett (ministre de l’éducation), Ayelet Shaked (ministre de la Justice) et Yuval Steinitz (ministre de l’énergie).

Tous trois ont expliqué avec toute la force de conviction dont ils sont capables que le maintien de la domination israélienne sur la Cisjordanie est absolument vitale pour Israël, et qu’il n’est en aucun cas question d’accepter un quelconque plan de paix impliquant la création d’un État palestinien sur une quelconque partie de ce territoire conquis par Israël en 1967.

Cet événement, qui a rassemblée une centaine de personnes selon Haaretz, a eu lieu dans une synagogue du centre de Washington.

Selon le ministre Steinitz, “Israël ne peut pas survivre” sans conserver cette région. Shaked a quant à elle chanté les louanges de l’administration Trump pour sa “courageuse décision” de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël, et Bennett a tenu à exprimer son soutien à Netanyahou, empêtré dans plusieurs affaires de corruption, dont de nombreux observateurs israéliens pensent qu’elles ne vont pas tarder à entraîner sa chute.

L’ensemble de cette conférence de l’AIPAC s’est déroulé dans un climat assez surréaliste dont une image constitue un symbole à la fois drôle et éclairant : une session de la conférence était consacrée à “la liberté de parole et la liberté de la presse en Israël1. A l’entrée de la salle où elle avait lieu se trouvait cet écriteau qui résume tout :

“CETTE SESSION A LIEU A HUIS CLOS
LA PRESSE 
N’EST PAS ADMISE”

Notes   [ + ]

1. Pour mémoire, la presse israélienne est toujours soumise à la censure, sur laquelle les militaires ont la haute main.

Le parlement israélien adopte une loi pour accélérer le nettoyage ethnique à Jérusalem

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Le parlement israélien a adopté mercredi une loi qui permet au Ministre de l’Intérieur d’Israël, Aryeh Deri (leader du parti ultra-orthodoxe fanatique Shas), de retirer le statut de résident permanent de Jérusalem-Est à tout Palestinien impliqué, selon lui, dans des “activités anti-israéliennes” et d’expulser toute personne dont le statut de résident permanent été révoqué. La volonté d’accélérer le nettoyage ethnique de Jérusalem est manifeste.

Ce projet de loi était soutenue par le gouvernement Netanyahou. Il prévoit trois types de situations dans lesquels le Ministre de l’Intérieur israélien 1 peut désormais retirer le statut de résident permanent : si la personne concernée a fait de fausses déclarations pour obtenir le statut de résident permanent, si elle a “mis en danger la sécurité publique” ou si elle s’est rendue coupable de “déloyauté envers l’État d’Israël”.

La loi s’applique à tous les résidents permanents de Jérusalem-Est, qu’ils soient des immigrants récents ou des résidents de longue date. En vertu de la nouvelle loi, le ministre de l’Intérieur doit accorder un statut alternatif à une personne dont la résidence a été révoquée si l’individu ne peut pas être réinstallé de façon permanente dans un autre pays.

Hanan Ashrawi, membre éminente de l’OLP, a qualifié cette loi d ‘«acte extrêmement raciste». «En révoquant le droit de résidence des Palestiniens de Jérusalem et en privant les Palestiniens de leur droit de rester dans leur propre ville, le gouvernement israélien agit en violation du droit international et viole les droits de l’homme et les lois humanitaires internationales», a déclaré Ashrawi à l’agence de presse palestinienne officielle Wafa.

Les Palestiniens représentent 40% de la population de Jérusalem. Ils ne bénéficient que de 7% des permis de construire délivrés par les autorités israéliennes. Le nettoyage ethnique est un processus continu…

Cette loi a été élaborée après que la Haute Cour de Justice israélienne ait annulé la révocation, il y a plus de dix ans, du statut de résidence permanente de quatre habitants de Jérusalem-Est. En janvier 2006, Mohammed Abu Tier, Ahmad Attoun et Muhammad Totah ont été élus au Conseil législatif palestinien en tant que représentants du parti du Hamas. Le quatrième homme, Khaled Abu Arafeh, fut ministre des affaires de Jérusalem dans le gouvernement éphémère d’Ismail Haniyeh. Puis, le ministre de l’Intérieur Roni Bar-On a annulé leur résidence pour “déloyauté envers Israël”.

La Haute Cour avait jugé que Bar-On avait outrepassé ses pouvoirs en annulant le statut des personnes en question. Néanmoins, la Cour avait gelé la décision pendant six mois pour donner à la Knesset l’opportunité d’adopter une loi qui permettrait l’annulation de leur statut de résident. Telle est la logique israélienne : même quand le ministre a tort, il a quand même raison dès lors qu’il s’agit de nuire à la résistance des Palestiniens, quels qu’ils soient.

Le député Dov Khenin (Liste commune – représentant de la minorité palestinienne d’Israël) a estimé que la mécanisme créé par cette loi “amènera les habitants de Jérusalem Est dans le pire des mondes possibles. Les habitants de Jérusalem-Est n’y vivent pas parce qu’ils ont choisi d’être Israéliens mais parce que c’est leur foyer. Vous créez en effet une obligation de loyauté envers les personnes pour lesquelles il n’y a aucun lien de loyauté entre eux et l’Etat d’Israël”. De fait, les Palestiniens de Jérusalem-Est ne sont pas allés s’installer en Israël, c’est Israël qui s’est invité chez eux en 1967 par la force des armes…

Le député Esawi Freige (Meretz – gauche israélienne) a pour sa part estimé que “depuis 1967, il y a eu une campagne permanente pour vider Jérusalem-Est de ses résidents palestiniens. Nous constatons cela avec l’entrée de la police des frontières dans les quartiers, avec l’attitude des institutions gouvernementales, et avec des lois comme celle-ci, qui envoient au diable les droits de l’homme et le droit international”.

L.D.      


Sources  : médias (Aljazeera, Haaretz,…). 

Notes   [ + ]

1. Israël ayant annexé Jérusalem-Est, c’est le Ministre de l’Intérieur qui est compétent et non le Ministre de la Défense comme dans les autres territoires palestiniens occupés – NDLR

Répression 2.0 : l’armée d’occupation israélienne se met au “big data”

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Il y a longtemps que l’armée israélienne utilise un puissant dispositif informatique pour contrôler la population palestinienne. C’est particulièrement le cas aux point de contrôle disséminés au long du “mur de l’apartheid” illégalement construit pour séparer le territoire israélien de la Cisjordanie occupée, non sans amputer largement celle-ci d’une partie de ses meilleures terres agricoles, attractions touristiques, etc… C’est notamment sa participation à ce dispositif qui vaut à la firme Hewlett-Packard de figurer très haut sur la liste des cibles de la campagne mondiale Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS).

Depuis un moment, l’armée d’occupation a entrepris de constituer une énorme base de données contenant les données personnelles du plus grand nombre possible Palestiniens apparemment choisis au hasard lors de leur passage à un checkpoint routier à l’intérieur de la Cisjordanie. Il ne s’agit donc plus de contrôler les entrées et sorties du territoire israélien, mais d’enregistrer massivement les données personnelles des Palestiniens et leurs déplacements à l’intérieur du territoire occupé. 

Les soldats israéliens installent des point de contrôle mobiles temporaires, et les données personnelles des hommes palestiniens – particulièrement s’ils sont jeunes – qui y passent sont enregistrées : nom, date de naissance, numéro de téléphone, type de véhicule, numéro de permis de conduire,… Leurs papiers d’identité sont photocopiés, et ils doivent indiquer quel est leur destination et d’où ils viennent. Les hommes âgés, ainsi que les femmes et les enfants, ne sont pas enregistrés. Pour les autres, selon des soldats chargés de cette mission, le but est de collecter autant d’informations que possible.

Des officiers d’active et de réserve ont indique que l’objectif poursuivi est de réunir un maximum d’informations sur des individus choisis au hasard, dans l’espoir que cela soit ultérieurement utile pour éviter des “attaques terroristes” ou pour favoriser le travail des enquêteurs après de tels actes.

Les point de contrôle où cette opération de collecte de renseignements est menée fonctionnent de préférence tôt le matin, au moment où un grand nombre de Palestiniens se déplacent pour aller travailler. Cela contribue à accentuer les embarras de circulation, déjà très importants, aux heures de pointe.

Les soldats postés aux différents points de contrôle doivent enregistrer au minimum 100 Palestiniens pendant leur tour de garde, selon Haaretz.

Façonner l’histoire au bulldozer : comment Israël utilise l’archéologie pour enraciner l’occupation

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Le droit international est clair : Israël n’est pas autorisé à effectuer des fouilles dans les territoires occupés. Or depuis 1967, il a procédé à des fouilles sur 980 sites archéologiques en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et s’est approprié de nombreux artefacts.

Parvenu à conquérir l’ouest de Jérusalem en 1948, Israël a occupé l’ensemble de la ville moins de vingt ans plus tard, en 1967, lors de la “guerre des Six Jours”. Depuis lors, l’occupant crée des « réalités sur le terrain » via l’annexion et la construction de colonies visant à cimenter ses revendications sur de l’ensemble de la ville.

De fait, dans son essence même de projet colonial, Israël est à la fois férocement expansionniste et exclusif. Le « projet de loi sur le Grand Jérusalem », dont le vote a été récemment reporté et qui cherche à étendre les frontières de la municipalité de Jérusalem afin d’y inclure davantage de colonies illégales et d’exclure des quartiers palestiniens, témoigne de cet expansionnisme.

Dans le même temps, la déclaration du président américain Donald Trump sur le déménagement de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem ne viole pas seulement le droit international, mais soutient la colonisation continue de la ville par Israël.

Rayé de la carte

Toutefois, Israël ne se contente pas d’exercer un contrôle absolu sur la ville via l’annexion et la construction de colonies. Israël mène une campagne agressive pour s’approprier ou détruire les sites du patrimoine palestinien afin d’étayer ses revendications de propriété exclusive. Cette campagne s’est accélérée depuis l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza en 1967.

La pelleteuse est une des armes favorites d’Israël (AFP)

Ces revendications reposent fortement sur un discours biblique qui vise délibérément à faire de la religion un sujet de discorde majeur. C’est on ne peut plus visible dans la vieille ville de Jérusalem qui – en vertu du droit international – est considérée sans équivoque comme un territoire palestinien.

En fait, Israël a commencé à altérer le paysage de Jérusalem dès le lendemain de son occupation de la ville en détruisant l’un de ses plus vieux quartiers.

Harat al Magharibeh (le quartier marocain), qui se situe devant le mur ouest de la vieille ville, n’a pas tardé à être rasé à peine quelques jours après l’occupation israélienne de la ville. Les autorités israéliennes ont justifié cette initiative par la nécessité de faire de la place aux fidèles juifs.

Le quartier avait près de 800 ans et n’abritait pas uniquement des bâtiments ayyoubides et mamelouks mais également 650 personnes. Les habitants n’ont eu que quelques heures pour quitter leurs maisons avant qu’elles ne soient détruites. D’ailleurs, on dit souvent que les archéologues israéliens sont les seuls au monde à se servir de bulldozers.

Le Haram al-Sharif en danger

Plus récemment, Israël a réalisé des fouilles dans la zone qui se trouve en-dessous et autour du Haram al-Sharif – le complexe qui accueille le dôme du Rocher et la mosquée al-Aqsa. Ces fouilles ont été condamnées par l’UNESCO qui a pris une résolution en 2016 critiquant Israël pour sa politique générale vis-à-vis du complexe.

Israël a multiplié les tentatives de prise de contrôle du Haram al-Sharif, qui reste sous la garde de la Jordanie dans le cadre du Waqf. Ces efforts sont entrepris à la fois par le gouvernement et les groupes de colons fanatiques qui espèrent détruire le dôme du Rocher et la mosquée al-Aqsa afin de construire un troisième temple juif.

À l’été 2017, la situation a atteint son paroxysme lorsque les autorités israéliennes ont placé des portiques électroniques à l’entrée du complexe. Après plusieurs semaines de protestations palestiniennes soutenues, les portiques ont finalement été retirés.

La situation reste néanmoins tendue et les Palestiniens craignent que le Haram al-Sharif ne soit en danger.

Du point de vue de la pratique archéologique, le droit international est clair : Israël n’est pas autorisé à effectuer des fouilles sur des sites dans les territoires occupés. Pourtant, selon un rapport de l’ONG suédoise Diakonia, Israël a procédé à des fouilles sur 980 sites archéologiques en Cisjordanie occupée depuis 1967 et s’est approprié de nombreux artefacts archéologiques.

Parmi les sites faisant l’objet des fouilles les plus agressives figure celui de Silwan, un quartier de Jérusalem-Est situé juste à l’extérieur des murs de la vieille ville et au sud du Haram al-Sharif.

La Cité de David, un site de fouilles archéologique israélien, est située dans le quartier palestinien de Silwan à Jérusalem-est occupée.. – AFP / GALI TIBBON

Lundi, les habitants palestiniens du quartier de Silwan ont protesté contre les nouveaux dégâts structurels causés aux habitations en raison de ce qu’ils dénoncent comme des excavations et des fouilles archéologiques israéliennes.

Les habitants de Wadi al-Hilweh sont confrontés à des travailleurs de l’Autorité des antiquités d’Israël et de la fondation Ir David, deux institutions qui effectuent des fouilles dans le secteur proche de la mosquée al-Aqsa et du mur méridional de la vieille ville.

L’archéologie à outrance

Le discours biblique considère Silwan comme le site originel de la “cité de David” et les premières fouilles effectuées dans le but de rechercher cette ville originelle ont été menées par les colons britanniques à la fin du XIXe siècle.

Aujourd’hui, le site de fouilles est géré par l’organisation d’extrême droite El-Ad, qui tente de prendre le contrôle de Silwan et de judaïser le quartier. L’organisation dispose de fonds considérables et les oligarques juifs russes Lev Leviev et Roman Abramovich ont assisté à leurs événements.

El-Ad procède à des « fouilles sauvages » et se dispense de se procurer des permis auprès du gouvernement.

Ces excavations impliquent des fouilles et des tunnels creusés sous Silwan et s’étendent jusqu’aux terres entourant la mosquée al-Aqsa. De nombreuses habitations palestiniennes ont ainsi commencé à s’enfoncer dans la colline.

L’archéologie n’est qu’un des nombreux mécanismes par lesquels Israël maintient sa domination sur le peuple palestinien. Le recours à ce discours biblique est manipulé de manière à former un écran de fumée pour le projet colonisateur sioniste.

Israël poursuit la pratique consistant à porter une bible dans une main et une truelle dans l’autre, initiée par les archéologues coloniaux britanniques. Son objectif est de manipuler le discours historique sur le passé pour servir ses intérêts dans le présent et éliminer les possibilités d’un avenir palestinien.


Cet article de Yara Hawari a été publie le 6 mars 2018 par Middle East Eye en français.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Yara Hawari est spécialiste de la politique palestinienne pour Al-Shabaka, The Palestinian Policy Network.

Titulaire d’un doctorat en politique du Moyen-Orient de l’Université d’Exeter (Grande-Bretagne), elle écrit fréquemment pour divers médias. 

Israël utilise un drone pour réprimer une manifestation de Palestiniens

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Pour la première fois, l’armée israélienne a utilisé un drone pour réprimer une manifestations de Palestiniens à proximité de la “frontière” de la Bande de Gaza, au cours du week-end dernier.

Vendredi dernier, quelque 200 résidents de la Bande de Gaza s’étaient rassemblés à proximité de la “frontière” avec Israël. L’armée israélienne a utilisé un drone pour les arroser de gaz lacrymogène et les obliger à se disperser.

Selon une source militaire citée par Haaretz, il s’agit d’une “méthode expérimentale” utilisée pour la première fois. Le but pour les militaires israéliens et de contrôler les rassemblements de foules hostiles tout en restant à distance.

Au cours du week-end, deux Palestiniens ont été tués dans des affrontements avec l’armée israélienne. Vendredi, Muhammed Zain Jabri, un résident d’Hébron (Cisjordanie) âgé de 24 ans , a été blessé par balle et a succombé à ses blessures. Samedi, Amir Omar Shahada, 19 ans, a été abattu près de la ville de Naplouse (Cisjordanie).


Les forces israéliennes ont détruit des pierres tombales dans un cimetière palestinien à Jérusalem-Est occupé tôt lundi matin, selon des sources locales citées par l’agence palestinienne Ma’an.

Husni al-Kilani, superviseur du cimetière al-Mujahideen, a déclaré à Ma’an qu’il avait reçu un appel lundi à 3 heures pour l’informer que la serrure de la porte principale du cimetière avait été forcée et que le cimetière avait été perquisitionné.  Selon al-Kilani, des forces armées israéliennes ont été déployées à l’entrée du cimetière, pendant que ce qu’il pense être des officiers déguisés en civils, ont envahi le cimetière et détruit plusieurs pierres tombales à l’aide d’outils.

Al-Kilani a dit à Ma’an que les pierres tombales détruites appartenaient à Muhammad al-Kaluti, à Abdullah Abu Kharroub, à Thaer Abu Ghazaleh, à Bahaa Elayyan, à Muhammad Abu Khalaf, à Abed al-Muhsen Hassuneh et à Muhammad Nimr, c’est-à-dire des hommes tués par les forces israéliennes lors d’une vague de violence à Jérusalem-Est et en Cisjordanie qui avait éclaté en octobre 2015. On avait à l’époque d’une “intifada des couteaux”.

Les pierres tombales avaient  été gravées il y a environ un an et demi avec un verset du Coran et la phrase “tombes des martyrs de l’Intifada de Jérusalem”, a précisé al-Kilani.

Cette information est probablement à mettre en relation avec le vote au parlement israélien, le 8 mars dernier, d’une loi destinée à permettre à la police israélienne de ne pas restituer à leur famille les corps des Palestiniens qu’elle tue et qualifie de “terroristes”.

Il s’agit en fait de deux lois distinctes qui autorisent la police à retenir les corps de “terroristes palestiniens” tués et à conférer à l’État le pouvoir de révoquer le statut de résidents permanents aux Palestiniens de Jérusalem-Est auteurs de violences contre des Israéliens.

La première loi qui permet à l’État de retarder le retour des corps des terroristes palestiniens tués à leurs familles, a été votée 48 voix contre 10 à la Knesset. Ce texte intervient en réponse à une décision rendue en décembre 2017 par la Haute Cour de justice selon laquelle l’État ne pouvait pas utiliser les corps de “terroristes” comme monnaie d’échange sans une loi qui autorise explicitement cette pratique. C’est donc chose faite.

Les Israéliens font manifestement une fixation pathologique sur les dépouilles mortelles de leurs ennemis, qu’ils ne peuvent se contenter de tuer. Il leur faut aussi torturer mentalement et humilier leurs familles et tout un peuple.


Que reste-t-il de l’hypothèse d’une «solution à deux États» ? «Elle s’est évaporée», constate un de ses architectes

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L’architecte principal de l’Initiative de paix arabe, qui a proposé la reconnaissance d’Israël en échange d’un retrait total des territoires occupés, affirme que la solution à deux États est morte.

Marwan Muasher, qui était ministre jordanien des Affaires étrangères au moment de la signature de l’initiative, en 2002, a déclaré à Middle East Eye : «Certains diront que [la solution à deux États] n’a jamais existé, mais elle est certainement morte aujourd’hui».

« Quelle que soit leur ampleur, les négociations n’aboutiront aujourd’hui à aucune solution à deux États, parce que l’une des parties, en l’occurrence le camp israélien, n’en veut pas, mais aussi parce que le parrain de ces pourparlers est désormais totalement partial envers les Israéliens. Dans ces conditions, on ne peut plus s’accrocher à un ancien modèle. »

Le diplomate expérimenté, qui a été le premier ambassadeur de Jordanie en Israël et anciennement ambassadeur aux États-Unis, a déclaré que la Jordanie se sentait maintenant vulnérable à un ordre du jour dicté par Israël et poussé par Washington.

« S’il n’y a pas de solution à deux États, avec la présence d’un tel gouvernement israélien, l’un des scénarios les plus probables est alors que le gouvernement israélien échafaude une solution aux dépens de la Jordanie », a expliqué Muasher.

« Ils ont le choix entre accorder aux Palestiniens des droits dans le cadre d’une solution à deux États et laisser quelqu’un d’autre s’occuper du problème. Ils ne se soucient pas vraiment du bien-être de la Jordanie aujourd’hui. 

« Nous sommes donc très vulnérables et inquiets à ce sujet et cela explique pourquoi la Jordanie a toujours soutenu avec ferveur la solution à deux États, dans la mesure où celle-ci était dans l’intérêt de la Jordanie, pas seulement dans celui des Palestiniens. Aujourd’hui, elle s’est évaporée».

Les propos de Muasher sur la mort de la “solution à deux États” sont lourds de sens. La création d’un État palestinien aux côtés d’Israël reste la politique officielle de l’Autorité palestinienne, du Quartet pour le Moyen-Orient (composé des Nations unies, des États-Unis, de l’UE et de la Russie), de l’Union européenne et des principaux partis politiques britanniques.

Peu de diplomates arabes se sont investis aussi fortement dans la solution à deux États que Marwan Muasher, qui a joué un rôle central dans le développement de l’Initiative de paix arabe et de la Feuille de route pour la paix.

L’Initiative de paix arabe, proposée par le défunt roi Abdallah d’Arabie saoudite, est entrée dans l’histoire du conflit comme une opportunité gaspillée par Israël et le président américain de l’époque, George W. Bush. Elle a été adoptée par le dirigeant palestinien de l’époque, Yasser Arafat, puis soutenue par son successeur Mahmoud Abbas

Muasher a déclaré que l’initiative américaine actuelle, que Donald Trump a qualifiée d’« accord du siècle », était vouée à l’échec. La nouvelle proposition pourrait exclure deux éléments clés des négociations sur le « statut final » survenues lors des pourparlers de paix d’Oslo : la désignation de Jérusalem-Est comme capitale d’un futur État palestinien et le droit au retour pour les réfugiés palestiniens.

L’armée israélienne protège Israël contre les petites filles depuis 1948

Marwan Muasher a qualifié de « pure fantaisie » l’accord échafaudé par Trump et soutenu qu’aucun Palestinien ne pouvait accepter un tel accord. «L’administration Trump pense qu’elle peut retirer Jérusalem, retirer les réfugiés, sans même avancer un droit symbolique au retour et en réduisant les fonds alloués à l’UNRWA 1, retirer la vallée du Jourdain, retirer les colonies et laisser le reste à négocier. C’est insensé. Ce n’est un “accord du siècle” pour personne, sauf pour les Israéliens».

Jérusalem, source de friction avec Riyad

Jordanien de confession chrétienne, Marwan Muasher a souligné l’importance de Jérusalem pour tous les Arabes ainsi que le déclin de la population chrétienne dans la ville sainte. Alors que les chrétiens constituaient 20% de la population au tournant du XXe siècle, ils sont désormais moins de 1%.

« Le nombre de chrétiens est aujourd’hui inférieur à 4.000 à Jérusalem, ce qui signifie qu’en l’espace d’une génération, nous pourrions faire face à une situation où les lieux saints chrétiens deviendraient des musées où personne ne vit, a estime Muasher. C’est dangereux pour l’idée de diversité et de coexistence en Palestine et dans le monde arabe. Les chrétiens arabes ne sont pas les seuls à s’en inquiéter. Les musulmans ne veulent pas voir les chrétiens disparaître de la ville».

L’ancien diplomate jordanien a également critiqué le rôle que le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a joué en tentant de convaincre le président palestinien Mahmoud Abbas d’accepter Abu Dis, une banlieue de Jérusalem-Est, comme future capitale d’un État palestinien.

« C’est de la pure fantaisie, a soutenu Muasher. Personne ne veut d’Abu Dis. Les gens veulent les lieux saints. Le reste n’est que stratagème. Ils se disent : “Donnons-leur Abu Dis et ils oublieront les lieux saints.” On peut tout oublier, sauf les lieux saints. Les Saoudiens ne peuvent en aucun cas dire, même à leur propre peuple, qu’ils pensent qu’un tel accord doit être accepté même si les Palestiniens ne peuvent pas l’accepter».

Muasher a reconnu que Jérusalem était une source de friction avec Riyad. La garde des lieux saints de la ville assurée par la Jordanie a été inscrite dans le traité de paix de Wadi Araba signé avec Israël. Il a expliqué que l’ancien roi Hussein s’était engagé dans la guerre des Six Jours contre Israël en 1967 tout en sachant qu’il perdrait, et qu’il s’était toujours senti responsable de la perte de Jérusalem.

« Cela fait également partie de la légitimité des Hachémites, a indiqué Muasher. La légitimité revêt une grande importance dans le monde arabe. Elle nous a permis de résister à toute la tourmente du Printemps arabe, car la monarchie jordanienne n’est pas menacée de la même manière que les systèmes en Égypte et en Tunisie l’ont été. Les gens veulent une réforme au sein du système plutôt qu’en dehors. Jérusalem joue un grand rôle à cet égard. »

Le moment est-il passé ?

Selon Muasher, le moment propice à un accord entre les États arabes et Israël est passé. L’absence d’acteur arabe de la stature du défunt roi Abdallah d’Arabie saoudite, la guerre en Syrie qui a constitué un élément clé de l’initiative, et l’opinion publique arabe, qui s’oppose à un tel rapprochement, sont des facteurs de cette tendance.

Au lieu de cela, une nouvelle génération de Palestiniens s’est éloignée des débats sur la forme de la solution au conflit pour se focaliser sur ses propres droits civiques, a expliqué Muasher. Ainsi, l’accent sera davantage mis sur l’idée d’augmenter le coût de l’occupation pour Israël en recourant aux organes de l’ONU, à la Cour pénale internationale et à la campagne BDS.

« Cette génération n’est pas intéressée par une solution à deux États, non pas parce qu’elle ne croit pas en un État palestinien, mais parce qu’elle comprend que cette solution ne peut pas être concrétisée. Et elle ne le peut pas. Par conséquent, si cela ne peut pas se produire, ils se concentreront plutôt sur une approche basée sur les droits et si cela les amène à une solution à un seul État, ils s’en moquent. Ils veulent leurs droits maintenant. »


Les propos de Marwan Muasher ont été recueillis par David Hearst, rédacteur en chef de Middle East Eye (MEE) – Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation pour l’édition française de MEE, qui les a publiés le 13 mars 2018.

Notes   [ + ]

1. L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient

Trump veut imposer son “deal du siècle” avec ou sans les Palestiniens, et les régimes arabes réactionnaires sont d’accord

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Les États-Unis ont clairement fait savoir que l’approbation palestinienne n’est pas requise pour leur nouveau “plan de paix” imbuvable, dont une copie a été transmise par les autorités saoudiennes à Mahmoud Abbas.

Le site “Middle East Eye” [en] (MEE) croit savoir qu’alors que les détails du “deal du siècle” élaboré par l’administration Trump n’ont pas encore été divulgués, les autorités saoudiennes – qui dans cette affaire marchent la main dans la main avec Washington – en ont confidentiellement transmis une copie à Mahmoud Abbas, le Président de l’“Autorité Palestinienne” (AP) de Ramallah. Celui-ci aurait ostensiblement refusé d’en prendre connaissance et de jouer quelque rôle que ce soit dans ce processus. Mais Washington paraît décidé à se passer de son avis, quoi qu’il arrive.

On se souvient qu’après avoir joué le jeu, pendant dix mois, des rencontres multiples avec les envoyés spéciaux de Donald Trump, en vue d’un plan de paix américain, Mahmoud Abbas en avait conclu en janvier que Washington ne peut plus prétendre à son rôle traditionnel de médiateur après la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par Trump. Abbas  réclamait le retour à une approche multilatérale du conflit, sous l’égide de l’ONU, ce dont bien entendu les Israéliens ne veulent à aucun prix.

MEE indique que, “selon un responsable palestinien”, le roi Salman a récemment téléphoné au président de l’AP, lui demandant d’envoyer son chef des renseignements, Majid Faraj, à Riyad. Faraj a été reçu dans la capitale saoudienne par le chef du renseignement de Riyad, qui lui a remis la proposition américaine.

Selon certaines sources, citées par MEE, Faraj a avancé une contre-proposition après avoir consulté Abbas par téléphone depuis Riyad. Les Saoudiens l’ont ensuite transmise à l’équipe étatsunienne du Département d’État, qui a refusé d’en discuter et a prévenu que «le plan n’est pas pour la négociation, mais pour la mise en œuvre». Autrement dit, c’est à prendre ou à laisser.

Le document de 35 pages transmis par les Saoudiens a évidemment été décortiqué par l’Autorité palestinienne, qui connaît donc déjà chaque article du plan proposé et pense que les États-Unis “ne trouveront aucun Palestinien pour accepter un tel accord”.

Le plan appelle à la création d’un État palestinien avec des frontières provisoires sur la moitié de la Cisjordanie et la bande de Gaza, sans Jérusalem, et appelle à des solutions humanitaires à la question des réfugiés”, a déclaré un responsable palestinien sous couvert d’anonymat, écrit le correspondant de MEE.

L’intérêt soudain des USA pour Gaza est plus que suspect

Le plan appelle à la construction d’une nouvelle Jérusalem pour les Palestiniens des villages et des communautés environnantes”, a-t-il ajouté. Le plan étatsunien délaisse les questions relatives à la sécurité et aux frontières palestiniennes entre les mains d’Israël et reporte ce qui concerne les colonies [juives en Cisjordanie] et les frontières définitives à de futures négociations.

Le plan prévoir que les Palestiniens peuvent développer “leur propre Jérusalem” à partir des villages et des quartiers autour de la ville d’origine, ont déclaré les responsables palestiniens parlant toujours sous couvert d’anonymat, parce qu’ils n’étaient pas autorisés à parler aux médias.

Le plan appelle également à la création un “couloir” reliant le nouvel État de Palestine à la vieille ville de Jérusalem, où les Palestiniens pourraient aller prier à la mosquée Al-Aqsa et à l’église du Saint-Sépulcre.

Le négociateur en chef palestinien Saeb Erekat a déclaré à Middle East Eye qu’il pense que le plan de Trump repose sur le confinement et la limitation de l’État palestinien à la bande de Gaza et à certaines parties de la Cisjordanie, sans Jérusalem. C’est la raison de l’intérêt soudain des Américains pour la bande de Gaza, a-t-il dit.

Plus tôt cette semaine, la Maison Blanche a en effet tenu une réunion sur la situation humanitaire à Gaza, qui a inclus la participation de 19 pays. Une réunion que les dirigeants palestiniens ont boycottée.

«Le soudain réveil américain à propos de Gaza est plus que suspect», a encore déclaré Erekat.

Trump et Netanyahou prévoient de mettre fin à la question palestinienne en retirant Jérusalem de toute solution, en annexant des colonies importantes et en trouvant une capitale pour nous à la périphérie de Jérusalem”, a poursuivi Erekat.

Avec ou sans l’accord des Palestiniens…

L’Arabie saoudite a augmenté l’aide financière que le royaume accorde à l’Autorité palestinienne au cours des derniers mois, la faisant passer de 7,5 à 20 millions de dollars par mois, ce qui est considéré par certains comme un pot-de-vin pour accepter l’accord. Mais les responsables affirment qu’Abbas n’acceptera aucun accord qui soit aussi éloigné de la création d’un État palestinien basé sur les frontières de 1967, y compris Jérusalem-Est.

«Nous nous attendons à subir la pression des États-Unis et de certains pays arabes pour s’engager dans un tel processus, mais nous ne le ferons pas, simplement parce que nous savons ce qu’ils mijote ntpour nous», a ajouté le responsable palestinien.

Lors d’une réunion, le mois dernier, avec des représentants de l’Union Européenne à Jérusalem, l’envoyé américain pour le Moyen-Orient, Jason Greenblatt, a déclaré que le plan de paix américain était conçu pour bénéficier à la région et ne nécessite pas le consentement des Palestiniens, selon des sources anonymes citées par MEE.

«Les Palestiniens ne sont plus la partie décisive. Nous avons un plan pour la région et les Palestiniens peuvent se joindre à eux s’ils le veulent, mais ils sont également libres de ne pas le faire», aurait-il dit lors de la réunion.

L’ambassadeur des États-Unis a déclaré que “l’accord du siècle” américain est un plan régional conçu pour mettre fin au conflit israélo-palestinien et créer une coalition israélo-arabe pour contrer les menaces conjointes de l’Iran et du terrorisme.

Mahmoud Abbas est profondément préoccupé par le fait que les principaux pays arabes pourraient signer un accord de paix régional sous l’égide des États-Unis, malgré les objections palestiniennes, ont déclaré des responsables à MEE. Un collaborateur d’Abbas a déclaré que le dirigeant palestinien avait fermé les portes aux efforts américains pour présenter un tel accord de paix, mais qu’il craignait que les États-Unis puissent convaincre d’autres gouvernements arabes d’accepter un “accord de paix régional”, contournant les Palestiniens.

Ali Jarbawi, professeur de sciences politiques à l’université de Birzeit en Cisjordanie, a déclaré que les préoccupations palestiniennes sont légitimes. «Les Américains envisagent d’avoir un accord de paix régional, et ils se fichent de savoir si les Palestiniens en feront partie ou non», dit-il.

Le directeur de l’ONG B’Tselem résumait récemment en une phrase la stratégie israélienne des pseudo-négociations dans laquelle les dirigeants palestiniens se sont laissé engluer : «Je vais vous dire comment fonctionnent les négociations : ce qui est à moi est à moi, et ce qui est à toi est négociable, pendant que je suis en train de le dévorer». Trump semble sur le point de parachever ce très mal nommé “processus de paix” pendant que les dirigeants de l’U.E., sourds et aveugles, continuent obstinément à psalmodier “solution à 2 États – solution à 2 États” et à financer l’occupation.

L.D.        


Source :  Middle East Eye – Palestinians have seen Trump’s ‘deal of the century’ – and want nothing to do with it
Adaptation et traduction : Luc Delval

À lire également sur MEE, version française :
Abu Dis, future « capitale » de la Palestine ?

 

Rencontrer la résistance pour la Palestine à Beyrouth

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La 4e Convention globale pour le Retour en Palestine s’est tenue les 12, 13 et 14 mars à Beyrouth au Liban. Elle a accueilli 350 personnes de 85 pays de l’Asie, de l’Afrique, de l’Amérique latine, de l’Australie, de l’Europe et des Etats-Unis.

D’importantes délégations des pays du Sud étaient présentes à la Convention

Parmi eux, de très nombreux Palestinien.ne.s de la Palestine occupée, des camps au Liban et de la diaspora, des familles des martyrs et des prisonniers, des représentants des mouvements de résistance au Liban, des responsables religieux, des Juifs anti-sionistes, des journalistes, des artistes, des parlementaires, des avocats, des membres d’ONG, des activistes de la campagne BDS des quatre coins du monde… Tou.te.s ensemble, si près de la Palestine, le pays et la cause qui les a uni.e.s.

Latifa Abu Hameed (« Um Nasser ») est une réfugiée palestinienne du village de Um Shusha. Elle vit dans le camp de réfugiés d’Ama’ri, près de Ramallah. Elle a quatre enfants en prison, condamnés à vie. Un de fils a été tué par l’occupation.

La Convention a été lancée par une cérémonie d’ouverture le dimanche 11 au soir. Pendant les conférences de lundi 11 et mardi 12, nous avons pu entendre de nombreux témoignages de Palestinien.ne.s de l’intérieur. Des échanges ont eu lieu sur le travail de la société civile dans les différents pays.

Les parents de Rachel Corrie à la cérémonie d’ouverture. Jocelyne, la mère de Tom Hurndall, était également  présente à la Convention. 1

Des commissions se sont réunies à propos de la déclaration de Trump concernant Jérusalem, concernant la « normalisation » des relations avec l’Etat d’apartheid, et concernant le retour des réfugiés. Des conclusions ont été prises pour des axes de travail et de coordination au niveau international.

Zanan, Palestinienne vivant en Jordanie, active dans le soutien aux agriculteurs palestiniens et Samira, Tunisienne, active dans le secteur culturel

Les échanges entre participants se poursuivaient évidemment pendant les repas et les pauses, des liens se sont tissés à chaque moment de la journée. Des activités culturelles ont eu lieux pendant les soirées. Pendant les échanges, nous avons souvent évoqué le sort de Georges Ibrahim Abdallah, arbitrairement détenu en France depuis 34 ans, qui attend le retour vers son pays, le Liban.

Nidal, Palestinien, survivant des massacres de Sabra et Chatila, et Hamdan, représentant de la Communauté palestinienne en Belgique et au Luxembourg

J’ai été appelé une intervention sur le travail en Belgique et j’ai eu l’occasion de parler parler de la campagne BDS, de l’arrêt de la collaboration de la KULeuven avec la police israélienne, grâce à la mobilisation des profs, des étudiants, et d’autres comités, de la criminalisation de BDS, en particulier en France et de notre campagne photos pour montrer le soutien au boycott d’Israël.

Au troisième jour de la Convention, six autocars ont amené les participants dans le Sud-Liban. Nous nous sommes rendus sur une des montagnes à partir desquelles de jeunes Libanais ont combattu et chassé l’occupant israélien et où se trouve actuellement le musée de la résistance Mleeta.

Puis, passant par les villages frontaliers, nous avons visité le site de Maroun-al-Ras, où plusieurs Palestiniens ont été tués en 2011, lors de la Marche du Retour. Ce fût un moment émouvant pour tou.te.s, en particulier les Palestinien.ne.s de voir la Palestine occupée et ne pas pouvoir s’y rendre.

Un couple de l’Inde et des Palestiniens, regardant le pays occupé

La participation à cette Convention m’a bouleversée très positivement. Quitter son petit coin confortable en Europe et rencontrer  la résistance palestinienne et libanaise, les victimes de l’apartheid et ses soutiens dans le monde fut une super belle expérience.

 

Notes   [ + ]

1. Rachel Corrie et Tom Hurndall ont tous deux donné leur jeunesse pour le peuple palestinien : Rachel a été tuée par un bulldozer de l’armée israélienne à Rafah en 2003; la même année, Tom Hurndall, journaliste et activiste d’ISM, a reçu une balle dans la tête par un sniper israélien. Après un coma de neuf mois dans un hôpital londonien, Tom avait perdu sa lutte pour la vie.

Les Palestiniens méritent mieux qu’un jeu politique

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Un communiqué de l’ABP

Le 14 mars dernier,  le Parlement wallon a rejeté en séance plénière le vote d’un accord de coopération entre la Région wallonne et l’Autorité palestinienne. Le refus de la majorité wallonne MR-CDH de voter ce texte est advenu quelques semaines après un vote favorable du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles sur le même texte, un vote qui avait reçu le soutien des députés humanistes. Et la coopération ne pourra en définitive être mise en œuvre que lorsque la Région wallonne aura adopté un texte similaire.

L’accord de coopération entre la Région wallonne et l’Autorité palestinienne avait été signé en 2001, mais sa mise en application avait été conditionnée à des avancées dans le processus de paix israélo-palestinien. Relancé suite à l’annonce américaine sur la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’Etat d’Israël, il est aujourd’hui destiné à montrer le soutien de la Wallonie aux droits du peuple palestinien. Willy Borsus, Président de la Région wallonne, justifie le refus de la majorité de soutenir ce texte par la nécessité de le mettre à jour. S’il est vrai que le texte écrit en 2001 est désuet, il pourrait être mis à jour rapidement par le biais de protocoles additionnels. Il est en effet important qu’il soit rapidement entériné afin de montrer le soutien de la Wallonie aux droits et au développement du peuple palestinien.

Depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, le gouvernement israélien a en effet drastiquement accéléré la colonisation du territoire palestinien, ainsi que la destruction concomitante d’infrastructures palestiniennes.  Le blocus israélien illégal imposé à la Bande de Gaza y a rendu la situation humanitaire catastrophique. Un rapport des Nations Unies publié l’année passée a souligné que la situation à Gaza était proche d’être invivable. La récente annonce du président américain sur Jérusalem n’a fait que donner à Israël le signal qu’il pouvait continuer à violer le droit international en toute impunité.

A l’heure où certains Etats décident de marcher sur le droit international et le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, l’Association-Belgo-Palestinienne souligne l’importance de soutenir la Palestine sur la scène internationale. Ils dénoncent le manque de courage politique de la majorité sur ce dossier, ainsi que le manque de cohérence du CDH. Ils appellent l’ensemble des députés à œuvrer pour une application rapide de cet accord afin d’envoyer un signal d’espoir au peuple palestinien.


Publié le 22/3/2018 sur Association belgo-palestinienne

Le nouveau conseiller à la sécurité nationale de Trump prêchait pour une “solution à 3 États” [+MàJ]

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Le président des États-Unis a annoncé sur Twitter le limogeage de son conseiller à la sécurité nationale, H. R. McMaster, et son remplacement par John Bolton, qui fut ambassadeur aux Nations Unies durant la présidence de George W. Bush, partisan d’une ligne diplomatique dure et belliqueuse (partisan notamment de la guerre contre la Corée du Nord).

Bolton, qui fut un critique virulent de l’administration Obama, a jadis écrit à propos du conflit israélo-palestinien que “la solution à deux États est morte”, et il préconisait que la Bande de Gaza soit annexée à l’Égypte et que la Cisjordanie soit annexée par la Jordanie. Il a aussi, au fil du temps, multiplié les propos agressifs envers l’Iran. Comme Trump, il avait soutenu l’invasion de l’Irak en 2003. 

Le processus de paix au Moyen-Orient a longtemps besoin de clarté et d’une dose de concret, et Trump l’a fait en prenant la décision de transférer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem”, avait tweeté Bolton après la décision de Trump .

Pour des raisons empiriques, la solution à deux États est morte”, a déclaré J. Bolton au site d’extrême-droite Breitbart lors de la tentative de l’administration Obama de relancer les pourparlers de paix entre Israël et les Palestiniens. Il se prononçait pour une “solution à trois États” dans laquelle la Bande de Gaza serait donnée à l’Égypte, et la Cisjordanie reviendrait à la Jordanie.

«Aussi longtemps que l’objectif diplomatique de Washington sera la “solution à deux Etats” la contradiction fondamentale entre cette aspiration et la réalité sur le terrain fera en sorte qu’elle ne se réalise jamais», écrivait-il. «La seule logique qui sous-tend la demande d’un Etat palestinien est l’impératif politique des adversaires d’Israël d’affaiblir et d’encercler l’Etat juif».

La nomination de Bolton ne requiert aucune approbation par le Sénat, car la fonction de Conseiller à la sécurité nationale est un poste relevant uniquement de la Maison Blanche.

LES DERNIERS DOUTES SONT LEVÉS :
LA PLACE D’ISRAËL DANS LE MONDE EST À L’EXTRÊME-DROITE (Haaretz)

Dans Haaretz, Chemi Shalev commente ainsi la nomination de John Bolton :

«Israël espère que Bolton remettra ses ennemis à leur place, tandis que le monde est plutôt affolé aujourd’hui par une tension et l’imminence d’une guerre. Israël voit Bolton comme Gary Cooper dans “Le train sifflera trois fois”, venu pour descendre les méchants, mais pour la majeure partie du monde, il est le Dr Folamour 1 avec une bouffée d’Apocalypse Now 2 . Mieux que toute autre chose, les festivités qui dans la coalition de Benjamin Netanyahou on éclaté en l’honneur de la nomination de Bolton soulignent la place d’Israël à l’extrême droite de l’éventail politique mondial.

Bolton a des liens anciens et profonds avec de nombreux politiciens et officiels israéliens. Bolton est un «vrai ami», a déclaré la ministre de la justice Ayelet Shaked, qui compte qu’il soutien­dra incondition­nellement les rêves et les délires de son camp, contrairement aux nudniks 3 comme Barack Obama et aux Européens qui osent suggérer de temps en temps une cure de désintoxication. Netanyahou peut être satisfait, mais il devrait être plus prudent : la nomination de Bolton rendra plus difficile pour lui de résister aux demandes de ses partenaires de coalition en se retranchant derrière l’excuse que les États-Unis s’y opposent. La nomination de Bolton renforce le bloc évangélique-messianique de droite dans les deux pays, auquel Netanyahou se raconte encore à lui-même qu’il n’appartient pas.»

Notes   [ + ]

1. Personnage du film éponyme de Stanley Kubrick, sorti en 1964 en pleine “guerre froide” – NDLR
2. Film de Francis Ford Coppola, consacré à la guerre du Vietnam, sorti en 1979 – NDLR
3. Personne ennuyeuse ou nuisible, en argot US – NDLR
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